
© Lalo de Almeida
L’ONG CCFD-Terre Solidaire considère la photographie comme un levier puissant pour témoigner de son action à travers le monde et soutenir sa mission de sensibilisation sur des réalités sociales et environnementales trop souvent ignorées
L’ONG française agit depuis plus de 60 ans pour lutter contre les causes structurelles de la faim et les inégalités engendrées par notre modèle de développement actuel. Son action repose sur quatre champs thématiques fondamentaux : la souveraineté alimentaire et l’agroécologie, la paix et le vivre-ensemble, la justice économique et les migrations internationales. En 2022 est crée le Prix photo CCFD-Terre Solidaire qui récompense des photographes ayant travaillé sur des sujets proches des engagement de l’organisation. Cette année, quatre autrices et auteurs ont été récompensés pour cette deuxième édition et on notera que le niveau de qualité et d’intérêt des sujets exposés ici est particulièrement élevé, ce qui n’est pas si fréquent pour ce genre d’événement.
Lalo de Almeida s’est intéressé à l’impact du changement climatique sur les populations autochtones du bassin de l’Amazone où la sécheresse a de graves répercussions sur la vie des habitants. La baisse du niveau de l’eau du fleuve a rendu l’accès à l’eau potable et à la nourriture particulièrement difficile. A cela s’ajoute une augmentation importante d’incendies destructeurs parfois d’origine criminelle. Une situation qui menace le fragile équilibre qu’avaient tissé au fil du temps les communautés locale avec la nature et pouvant conduire à l’extinction d’un mode de vie ancestral jusque-là garant de la préservation de la forêt.
Dans le « couloir de la sècheresse », les saisons ne viennent plus, les semences s’épuisent et les enfants cessent de grandir. Un enfant sur deux souffre de malnutrition chronique, un déficit alimentaire prolongé qui ralentit irréversiblement leur développement. Ici, les gens ne se demandent plus s’ils vont partir, mais qui sera le prochain à le faire. Lys Arango s’est demandé que fait-on quand il n’y a plus rien à récolter ? Pendant cinq ans, elle a photographié des familles mayas vivant avec l’absence de pluie, d’État, de futur. Certaines ont perdu leurs enfants. D’autres ont vu partir les leurs vers le nord, car « rester, c’est mourir lentement ».
Federico Ríos Escobar a documenté l’une des routes migratoires les plus importantes au monde, la brèche du Darién, un tronçon de 100 kilomètres de jungle dense et dangereuse reliant la Colombie et le Panama. Cette route terrestre périlleuse est un passage critique pour ceux qui cherchent à migrer de l’Amérique du Sud vers les États-Unis. Fuyant la pauvreté et la répression, plus d’un million de personnes depuis 2021, Afghans, Vénézuéliens, Chinois, Équatoriens, Haïtiens, Cubains, Népalais, Péruviens, Equatoriens et autres nationalités, ont entamé ce périlleux voyage semé d’embûches, affrontant la jungle, les rivières, les chemins de montagne, les coulées de boue et les bandits qui kidnappent, agressent, violent et tuent.
Le projet de Natalya Saprunova traite de la fonte du permafrost, ce sol gelé depuis des millénaires qui est en train de disparaître sous l’effet du réchauffement climatique. Il couvre près de 25 millions de km², soit 20 % de la surface continentale de la Terre, principalement en Sibérie, dans l’Arctique et le continent nord-américain. Dans ces régions, riches de cultures autochtones, le dégel provoque affaissements de terrains, effondrements de bâtiments, inondations et bouleversements des écosystèmes.
A titre posthume, a été décerné un Prix Spécial du Jury au Palestinien Ismail Abu Hatab,pour son projet «Between the sky and the sea» (« Entre le ciel et la mer »). Son travail portait sur la réalité des personnes déplacées de force sur les côtes de Gaza, confrontées à de nombreux défis dans un environnement profondément affecté par les conflits. Il révèle les effets environnementaux dévastateurs sur la mer, principale source de revenus pour de nombreuses familles et dépeint la vie quotidienne des personnes déplacées qui luttent contre la pauvreté, la pollution et les conditions de vie difficiles. Le photojournaliste a été tué dans un bombardement israélien à Gaza le 30 juin 2025.
Entretien avec Matthieu Chanut, responsable des projets culturels
Pourquoi le choix de la photographie ?
Le CCFD Terre Solidaire, c’est une organisation qui a plus de 60 ans, qui a toujours travaillé avec des photographes. Quand Salgado a commencé sa carrière, il l’a faite avec nous. On a toujours eu besoin de la photographie pour témoigner auprès du grand public et on s’est dit que la profession avait besoin de soutien à un moment où la presse ne va pas bien. On soutient des projets à long terme qui correspondent complètement à l’état d’esprit du CCFD, avec une approche photojournalistique et une vision sociale et environnementale à travers le monde. C’est pour ça qu’on en est venu à la photographie parce qu’il y avait déjà un lien fort.
Ce soutien à la photographie est de plus en plus fréquent dans les ONG ?
Oui complètement, les ONG tiennent maintenant ce rôle économique important. Les photographes ont besoin de nous et depuis toujours. Souvent, même si cela n’est pas connu, les ONG font un gros travail d’introduction pour les photographes. Par exemple rencontrer des communautés, quand on passe par notre biais, c’est plus simple. On peut passer plus de temps avec ces populations, donc il y a toujours eu un lien qui a été fait. On a besoin d’eux, ils ou elles ont besoin de nous. On travaille au quotidien avec des photographes, on commande des reportages en leurs laissant leur liberté pour qu’ils puissent travailler, se documenter et qu’on crée une alliance ensemble en soutenant des projets à long terme.
Pour le Prix, comment s’est faite la sélection ?
Tout d’abord il y a l’appel à candidature relayé par les plus de 400 organisations partenaires avec qui nous travaillons dans le monde. Cette année, on a reçu 402 candidatures venant de 71 pays, ce qui montre la force d’impact de notre organisation de solidarité internationale. Après, comme la plupart des prix, il y a un comité de présélection constitué de bénévoles du CCFD qui ne sont pas des spécialistes de la photo avec des chargés de mission qui bossent sur les sujets, qui connaissent les situations de terrain. C’est une équipe de15 personnes qui a sélectionné 30 nominés. Ensuite, un jury composé de personnes du monde de la photo et du monde des ONG a été chargé du choix final.

Lalo de Almeida, Lys Arango, Imany marraine du Prix, Federico Ríos Escobar, Natalya Saprunova. © GC
Exposition jusqu’au 26 octobre au Point Ephémère, Paris
Le site de CCFD-Terre Solidaire
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