
Eric Mencher est un photographe documentaire américain, dont le parcours se distingue, outre son talent, par un passage de la photographie traditionnelle vers l’utilisation exclusive de l’iPhone comme outil principal de création. Sa maîtrise des fondamentaux de la composition, sa compréhension profonde de la lumière et sa capacité à saisir l’instant décisif, sont une nouvelle preuve, si cela était encore nécessaire, que ce n’est pas seulement l’outil qui compte pour faire oeuvre.
Lorsqu’il était photographe de presse dans un quotidien de Philadelphie, il a couvert des événements majeurs, notamment l’après-génocide au Rwanda, la période post-apartheid en Afrique du Sud et la guerre civile en Tchétchénie. Motivé par une recherche de simplicité, il décrit l’iPhone comme « le Leica du pauvre », soulignant que cet appareil lui permet de capturer des images de manière rapide et spontanée, similaire à son expérience précédente avec un Leica M6 chargé de film Tri-X. Adepte d’une approche immersive, c’est un flâneur ouvert aux opportunités visuelles du monde qui l’entoure. « Quand vous transportez un équipement professionnel imposant, les gens vous perçoivent immédiatement comme un photographe et changent leur comportement. Avec un smartphone, je deviens invisible, ce qui me permet de capturer des moments d’une authenticité rare. » Le photographe voit aussi dans cette technologie une démocratisation de la photographie. « Pendant des décennies, l’accès à la photographie de qualité était réservé à ceux qui pouvaient investir des milliers de dollars en équipement. Aujourd’hui, un smartphone offre des capacités techniques qui auraient paru miraculeuses il y a vingt ans. »
Entretien avec Eric Mencher
Comment avez-vous commencé à vous intéresser à la photographie ?
En 1973, à l’âge de 17 ans, j’ai voyagé en Union soviétique avec un appareil photo Kodak Instamatic. C’était ma première véritable expérience de la photographie, mais j’étais plus intéressé pà jouer aux échecs avec les gens que je rencontrais dans la rue que par la photographie. C’était néanmoins agréable, et quelques-unes de mes photos du voyage ont vraiment touché les personnes à qui je les ai montrées, principalement ma petite amie et ma famille ! J’ai donc acheté un appareil photo, un Petri, et depuis, je prends des photos presque tous les jours !
Quelles ont été et sont aujourd’hui vos influences photographiques ?
Ahh, tant de choses, de personnes et d’événements m’ont influencé. La littérature, l’art, les photos, la vie. Plus précisément, pour n’en citer que quelques-uns : Ulysse de James Joyce. Pour la peinture, de Caravaggio à Matisse et plus encore. Pour la photographie, Niépce, Atget, Cartier-Bresson, Frank, Evans, Lange, etc. Ma femme Kass Mencher aussi. Et la vie de tous les jours, lorsque je vois des coïncidences, de l’ironie, de la juxtaposition, de la joie, de l’amour et du bonheur, cela m’incité à les rechercher et les photographier.
Vous avez été photographe pour le Philadelphia Inquirer. Parlez-nous de cette période.
Au Philadelphia Inquirer, où j’ai travaillé pendant 22 ans en tant que photojournaliste, j’ai eu la chance de tout couvrir, des guerres aux sports, en passant par la gastronomie et la mode. J’ai travaillé avec d’excellents rédacteurs et une excellente équipe de photographes, avec qui j’ai beaucoup appris. La joie, et le défi, de la photographie de presse consiste à prosuire des images intéressantes dans chaque situation et à faire des images fidèles au sujet traité. J’ai aimé ce défi et que je photographie la guerre en Tchétchénie ou une assiette de nourriture dans le sud de Philadelphie, je me suis toujours mis au défi de faire des images qui, je l’espérait, trouveraient un écho auprès des lecteurs.
Comment vous définissez-vous aujourd’hui en tant que photographe ?
Aujourd’hui, je me considère principalement comme un photographe de rue, mais j’aime photographier tout ce qui me semble intéressant et peut faire une bonne image. Il peut s’agir d’un paysage, d’un portrait, d’un événement ou d’un moment spontané dans la rue.
Vous ne photographiez pratiquement plus qu’avec un smartphone. Qu’est-ce qui vous a conduit à cela ?
En 2012, un ami a acheté un iPhone 4S et m’a donné son iPhone 4 « dépassé » me mettant au défi de l’utiliser comme appareil photo. Il y a eu une petite période d’apprentissage où j’ai cherché à tirer parti de ce que l’iPhone fait bien en photographie. Mais je me suis adapté et il est rapidement devenu visuellement (et physiquement !) libérateur et mon seul « appareil photo ». Combiné à la retouche de mes images avec Snapseed, l’utilisation d’un iPhone me ramène à l’époque de la prise de vue avec un Leica M6 et de l’impression dans la chambre noire. Snapseed est un outil indispensable pour moi, c’est amusant et comme une expérience tactile. J’utilise actuellement un iPhone 12 ProMax, principalement parce que j’aime les longueurs focales des deux appareils, l’équivalent de 26 mm et 62 mm. Par contre, j’utilise rarement le grand angle.
Qu’est-ce que cet équipement a de particulier que vous ne trouviez pas avec vos appareils précédents ?
L’iPhone est spécial pour moi en raison de sa petite taille, de sa facilité d’utilisation, de son grand écran et de sa rapidité. Au début de mon utilisation de l’iPhone, j’ai expérimenté un certain nombre d’applications pour appareils photo et j’ai adoré prendre des photos avec Hipstamatic, que j’utilise encore de temps en temps, mais je préfère l’appareil photo natif de l’iPhone. Simplicité, facilité d’utilisation, toujours avec moi, tient dans une poche. C’est presque parfait. La taille et la qualité des fichiers ne sont pas les meilleures, mais je ne fais pas d’énormes tirages. Ni vraiment aucun tirage d’ailleurs !
Pourquoi principalement le noir et blanc ?
J’aime aussi bien la couleur que le noir et blanc. Cela dépend vraiment du sujet, mais je recherche souvent des éléments graphiques forts dans mes images et le noir et blanc semble mieux les accentuer que la couleur. Mais j’aime aussi la couleur ! Je ne me considère certainement pas comme un photographe noir et blanc, mais j’aime la technologie qui me permet de voir une image dans n’importe quelle gamme de tonalités.
Vous avez passé beaucoup de temps au Guatemala et au Mexique. Parlez-nous de cette période.
À l’origine, je suis allée au Guatemala pour étudier l’espagnol, mais je suis rapidement tombée amoureux du pays, de ses habitants, de ses paysages, de ses traditions et de son climat ! Mon épouse et moi y sommes donc retournés à de nombreuses reprises, restant généralement entre six mois et un an. C’était merveilleux d’y photographier et je pense que j’ai réalisé là certains de mes meilleurs travaux. La lumière, l’énergie, les vêtements, les volcans, il se passe tellement de choses ! Le magnifique lac Atitlán. La très belle vieille ville coloniale d’Antigua et les pueblos qui l’entourent. Le plus gratifiant, c’est peut-être lorsqu’un Guatémaltèque m’a dit qu’il pensait que mes photos capturaient l’âme de son pays. Le Mexique était différent, magique à sa manière, même si, photographiquement parlant, je n’ai pas l’impression d’être allé au cœur de ce pays comme je l’ai fait au Guatemala.
Le site d’Eric Mencher
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