Vivian Maier © Vivian Maier/Maloof Collection

En 2025, Leica célèbre un anniversaire hors du commun : cent ans de production d’appareils photo, cent ans au service de la photographie, en proposant un appareil compact et de qualité qui fut un tournant décisif dans l’histoire visuelle du XXe siècle.

 

C’est à Oskar Barnack, ingénieur allemand très doué (Deutsche Qualität !) chez Leitz (maison mère de Leica), que l’on doit cette petite révolution. Il construit, peu avant la Première Guerre mondiale, le prototype Leica Ur, un appareil photo utilisant le film 35 mm initialement destiné au cinéma, suffisamment petit pour tenir dans la poche d’une veste, et qui servira de modèle à ses réalisations suivantes. Son idée était simple mais visionnaire : miniaturiser la caméra pour la rendre maniable sans sacrifier la qualité de l’image. Avec le Leica I, dont la fabrication commence en 1925, s’ouvre un nouveau chapitre pour les photographes du monde entier. Reporters, artistes et amateurs y ont trouvé un outil discret, fiable capable de capturer l’instant avec spontanéité. Ce sera pour certains le signe d’une certaine « distinction » (Bonjour Mr Bourdieu) à défaut d’un vrai talent. Le rajout, sur la façade de l’appareil dans les années 70, du logo dans une pastille rouge on ne peut plus visible, contribuera d’autant plus à en faire un objet de désir et d’affichage de son aisance financière, chose qui n’échappera pas aux voleurs à la tire fort reconnaissants.

Des images iconiques de la guerre civile espagnole aux portraits intimistes de Cartier-Bresson, le Leica deviendra un compagnon fidèle des plus grands, contribuant à la réputation du matériel et à sa légende. La liste de celles et ceux qui s’en sont servi est bien longue et regroupe une sorte de panthéon de la photographie, même si un bon nombre a su aussi faire des infidélités à la marque. Arrives en tête du peloton Henri Cartier-Bresson resté fidèle à la marque tout le long de sa carrière, le fondateur de l’agence Magnum considérant son Leica comme une extension de lui-même: « Pour moi, l’appareil photo Leica est un carnet de croquis, un instrument d’intuition et de spontanéité.» Et puis Robert Capa, autre légende de Magnum, celui qui disait: « Si vos photos ne sont pas assez bonnes, c’est que vous n’êtes pas assez près» avec notamment ses images de la guerre civile espagnole, et bien d’autres noms encore : Sebastião Salgado, Marc Riboud, Robert Doisneau, Alex Webb, Mary Ellen Mark, Ara Güler, Catherine Leroy, William Eggleston, Bruce Davidson, Steve McCurry, Elliott Erwitt, David Douglas Duncan, Alberto Korda, Nick Ut, Ernst Haas, etc.

Certes, la marque connue de sérieuses difficultés lors du virage numérique qu’elle eu bien du mal et mis longtemps à négocier. En 2005, la société a été restructurée et partiellement rachetée, ce qui a permis de remettre les finances à flot avec le soutien d’une clientèle fidèle prête à payer pour le haut de gamme et l’artisanat. Et Leica est aujourd’hui le plus ancien fabricant d’appareils photo. Chapeau l’ancêtre !

Alors, peut on dire à un photographe « Si à 50 ans, on n’a pas un Leica, on a raté sa vie»? Certainement pas mais, en tous cas, on peut lui dire qu’il a fait une belle économie au vu de ce que coûte le matos. Ce sont des appareils réputés ne pas perdre de valeur au fil du temps, si ce n’est même en gagner et pouvant parfois atteindre des sommes folles pour les plus rares. Comme par exemple en 2022, quand un prototype zéro de 1923 a été vendu pour 14,4 millions d’euros, devenant l’appareil photo le plus cher au monde. Et si pour l’équipement neuf, on est bien loin de ce sommet, il faut quand même être capable d’aligner la thune quitte à devoir vendre un rein.

Pour marquer l’événement, Leica consacre une rétrospective exceptionnelle aux grands noms de la photo dans son musée de Wetzlar, accompagnée d’expositions itinérantes à Paris, New York, Tokyo et São Paulo.

 

Gilles Courtinat
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