Mère et fils (II), Grèce, 2009, série : Hobbledehoy © Ed Alcock / MYOP

Photographe franco-britannique, Ed Alcock s’est vu décerné le Prix Niépce Gens d’images, premier prix de photographie professionnelle lancé en France en 1955

L’intime, l’identité et le territoire sont au cœur de ses projets personnels. Parmi ses séries, Hobbledehoy, avec une nouvelle originale d’Emmanuel Carrère, Love Lane et The Wait, dans lesquelles il explore les ravages d’un secret de famille. À la suite de la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne, Ed Alcock a consacré quatre ans à la série See EU later pour laquelle il est retourné dans son pays natal pour photographier ses compatriotes et tenter de comprendre les raisons qui les ont poussés à choisir le Brexit. Dans la série Home, sweet home, exposée aux Rencontres d’Arles, il se demande s’il faut vraiment avoir des ancêtres gaulois pour devenir français. Dans Sterile, il révèle un monde aseptisé, dans lequel l’humour, les peurs et les questions ponctuent un quotidien absurde lors du premier confinement.

Le photographe explique sa démarche :

« Ma pratique photographique s’inscrit dans une exploration intime et narrative du réel. Elle entend tisser des liens entre l’individu et son environnement affectif, politique ou symbolique. C’est dans cette zone poreuse, entre le documentaire et l’auto-fiction, que je construis mes images, avec une attention particulière portée à la lumière, à l’ambiguïté des gestes et à la narration fragmentaire. Une part essentielle de mon travail concerne mon histoire familiale. Mes projets, comme Buried Treasure, Love Lane ou The Wait, interrogent les non-dits, les secrets enfouis de ma famille, les failles générationnelles. J’ouvre ainsi un dialogue avec une histoire plus large, celle de la classe ouvrière britannique, dont je suis issu. Cette mémoire sociale, faite de luttes, de pudeur, de pertes et de résilience, traverse mon travail. La photographie devient alors un outil d’enquête émotionnelle, un moyen de recomposer ce qui a été tu ou oublié. D’autres projets, comme Zones à risque ou Home, sweet home, abordent la fragilité collective, dans un dialogue entre l’ intime, l’universel et la politique. Mon travail se nourrit de littérature. L’oeuvre d’auteurs comme Emmanuel Carrère, dans sa manière de tisser des récits personnels à partir du réel, ou encore Annie Ernaux et Édouard Louis, dont l’ écriture politique du soi éclaire les enjeux de classe, d’identité et de mémoire, résonne fortement avec ma démarche. Au fil des années, mes images se sont enrichies de nouveaux gestes : le collage, l’insertion de textes et le dessin pour ouvrir d’autres modes de lecture. Ces éléments plastiques me permettent d’approfondir la narration, de faire surgir une voix intérieure, de rendre visibles les couches souterraines du récit. »

L’association Gens d’Images

Le site d’Ed Alcock

 

Gilles Courtinat
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