New York, 1953 © Estate of Vivian Maier, Courtesy of Maloof Collection and Howard Greenberg Gallery, NY

Le nouvel album de Reporters Sans Frontière met à l’honneur l’oeuvre d’une femme discrète qui a longuement photographié les rues de New York et Chicago lors de ses moments de loisirs.

Née à New York en 1926, Vivian Maier découvre la photographie lors de ses séjours en France, pays natal de sa mère, au début des années 1950. Dès ses premières images, elle fait preuve d’un regard singulier sur le monde, mélange de spontanéité et de rigueur. Employée toute sa vie aux Etats Unis comme gouvernante auprès de familles aisées, elle consacre ses instants de liberté à explorer les rues de New York, puis celles de Chicago, ville qu’elle adoptera définitivement et où elle résidera jusqu’à sa mort en 2009. Toujours accompagnée de son appareil Rolleiflex, elle capture la vie urbaine dans toute sa diversité : visages de passants, scènes de rue, instants fugaces ou compositions minutieuses, son œuvre témoigne d’un œil acéré résolument orienté cers l’humain.

Restée dans l’ombre durant toute sa vie, son travail aurait pu sombrer dans l’oubli si, en 2007, John Maloof, un agent immobilier en quête de photographies anciennes de Chicago, n’avait acquis par hasard un lot de négatifs lors d’une vente aux enchères. Il découvre alors des milliers d’images d’une qualité remarquable, dont beaucoup n’avaient même pas été développées. Il entame alors une grande enquête pour retracer l’identité de cette mystérieuse photographe. Ce travail d’exhumation donne naissance au documentaire À la recherche de Vivian Maier, coréalisé avec Charlie Siskel et nommé aux Oscars en 2015 dans la catégorie Meilleur documentaire.

On découvre alors une artiste restée dans l’ombre autrice d’une œuvre exceptionnelle. D’elle, nous ne connaissons que des fragments de biographie, glanés auprès des enfants qu’elle a gardés ou des habitants du Champsaur en France, où elle a vécu quelque temps. Tous se souviennent d’une grande Américaine solitaire, arpentant les rues appareil photo à la main. Ceux qui l’ont côtoyée décrivent une personnalité complexe : cultivée, généreuse, singulière, mais aussi secrète, distante, parfois insaisissable.

Ses photographies, en noir et blanc comme en couleur, révèlent une acuité rare aux détails du quotidien, une capacité à saisir l’instant, entre hasard et intention. Qu’il s’agisse de portraits pris sur le vif ou de compositions travaillées, son œuvre oscille entre tendresse et ironie, empathie et lucidité. Vivian Maier excelle également dans l’art de l’autoportrait, se mettant en scène de nombreuses fois dans des reflets de vitrines, des miroirs, jouant avec son ombre avec une créativité constante. Personnes aisées ou modestes, elle dévoile à travers ses images les failles d’un rêve américain inégal. Elle laisse derrière elle une œuvre impressionnante de plus de 100 000 images, restée très longtemps cachée et aujourd’hui considérée comme l’une des plus marquantes de la photographie de rue du XXe siècle.

Vivian Maier, 21 x 28,7 cm, 144 pages, 12,50 €

Gilles Courtinat
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