© Gilles Courtinat

On estime qu’à la fin de l’année 2025, près de deux mille milliards (!) de photos auront été prises dans le monde, très majoritairement avec un smartphone et de plus en plus produites par une intelligence artificielle.

La photographie n’a jamais été aussi présente dans nos vies. La société américaine d’études de marché Rise Above Research réalise des études sur l’industrie de l’imagerie numérique et la lecture d’une de leurs dernières productions consacrée aux prévisions de production de photos a de quoi donner le vertige. On estime que 1 980 milliards d’images devraient être prises au cours de l’année 2025, en augmentation de 5 % par rapport à l’année précédente. D’autres études avancent le chiffre de 2 200 milliards et une croissance entre 6 à 8 %. Un rapide calcul nous amène à une production de plus de 63 000 par seconde !

Sans réelle surprise, le smartphone est ultra dominant dans ce résultat et devrait être à l’origine de 94 % de l’ensemble des photographies prises cette année. Loin, très loin derrière, arrivent les appareils photo numériques tous formats qui ne représentent plus qu’une part infime du volume, signe d’un changement d’usage où la simplicité prime sur la technique pour le grand public. Rien de nouveau en fait, en 2020 on estimait déjà le chiffre à 89 % reléguant l’appareil photo « traditionnel » à quelques professionnels ou amateurs passionnés. Quant à la photo argentique, autant dire qu’elle a disparu depuis bien longtemps des radars statistiques.

Cette masse exponentielle entraîne logiquement un stockage numérique tout aussi exponentiel, conservé sur des serveurs, disques durs et clouds, une sorte de patrimoine visuel planétaire en perpétuelle augmentation. À considérer également le fait que la très grande majorité de ces images restera invisible car non partagées. Bien que la firme américaine soit assez avare d’information à ce sujet, Google Images n’indexe qu’une petite partie de cette obésité visuelle, soit environ 136 milliards d’unités. Sachant que plus de 90 % des photos jamais prises l’ont été au cours des 15 dernières années, ce chiffre est à mettre en regard des 30 000 milliards de photos que l’on estime qui auront été produites jusqu’en 2030 depuis l’invention d’un certain Nicéphore Niépce.

Le phénomène s’explique aisément par le fait qu’aujourd’hui des milliards de personnes possèdent un smartphone dont l’utilisation est très simple conjointement avec l’augmentation des capacités de stockage numérique et le développement des réseaux sociaux. Sans surprise encore, ces derniers sont les principaux vecteurs de diffusion, près de 7 milliards d’images étant postées quotidiennement sur WhatsApp et Messenger et des centaines de millions d’autres sur Instagram et Facebook. Ce flux incessant est très alimenté par les selfies dont les jeunes générations sont les principaux créateurs. Culture de l’instantané qui modifie radicalement le rôle de souvenir de la photographie pour devenir un moyen de communication sociale universel.

Une chose à noter est la brusque montée en puissance des images générées par intelligence artificielle. Bien que cela ne représente encore qu’une portion minime de l’ensemble, sa croissance rapide alerte sur l’émergence de ce qui pourrait remettre en question la création visuelle à l’avenir. Sans oublier que l’IA, dont la présence à venir est, bien que difficilement quantifiable, tout à fait certaine, peut jouer un rôle déterminant dans l’exposition du monde à notre regard et à notre compréhension.

 

Gilles Courtinat
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