© Nicolas Wieërs

Jusqu’au 9 novembre 2025, Bruxelles accueille « Surrounded by Criminals », une exposition du photographe et curateur Nicolas Wieërs, fondateur du festival Balkan Trafik. Un projet ambitieux, à la croisée de l’art, du documentaire et de l’enquête sociale, qui plonge le visiteur dans l’univers opaque des « Vory v Zakone » (« voleurs dans la loi »), figures mythiques du crime organisé né dans les prisons de l’ex-URSS.

Nicolas Wieërs a passé plusieurs années en Moldavie et en Transnistrie, au plus près de ces hommes marqués par la marginalité. Son travail photographique, né de longues immersions à Chişinău et Tiraspol, s’appuie sur la confiance tissée avec ses sujets. Le photographe s’attache à dévoiler leurs visages, leurs tatouages, leurs silences. « Ces tatouages sont des biographies codées, un langage social où se lisent la hiérarchie, les fautes, les espoirs », explique t’il. Plus qu’un reportage, c’est une tentative de décodage de ce système symbolique, vestige d’un monde souterrain où l’honneur et la loi obéissent à d’autres règles.

L’exposition se déploie dans six lieux bruxellois : la Bourse de Bruxelles, des salons de tatouage, un atelier d’artiste, un tiers-lieu de la place du Jeu de Balle et la Brussels Tattoo Convention. Cette dispersion spatiale fait sens, chaque lieu explorant une facette différente du projet, esthétique, documentaire ou sociale. Le visiteur devient témoin d’un itinéraire fragmenté, à l’image des trajectoires qu’il découvre. Au total, 140 photographies en noir et blanc, dix vidéos et dix portraits dessinés par l’artiste russe Yuri Palkov composent le dispositif.

Wieërs affirme refuser tout sensationnalisme. Son approche se veut humaniste, presque anthropologique sans fascination ou condamnation. À travers ces corps marqués, il questionne le regard social : qu’est-ce qui fait de quelqu’un un criminel ? L’exposition inverse la perspective : elle ne montre pas le crime, mais la trace qu’il laisse sur la peau, dans le regard, dans la mémoire collective. Le visiteur, lui, se trouve « entouré de criminels » comme le titre l’annonce, mais surtout entouré d’histoires humaines, de douleurs et de silences.

Au-delà de l’esthétique, Surrounded by Criminals propose une réflexion sur la marge et la morale, à la frontière mouvante entre légalité, survie et dignité. En inscrivant ces visages dans des lieux culturels prestigieux, l’auteur interroge notre rapport à la loi et à la morale. L’exposition devient alors un miroir de nos propres jugements. Elle invite à regarder autrement ceux que la société écarte, à déchiffrer ce que les tatouages racontent d’un système où la violence est devenue un langage identitaire.

« Surrounded by Criminals »

jusqu’au 09 novembre 2025, Bruxelles (plusieurs lieux)

 

Gilles Courtinat