
Le 6 août 1945, le bombardier américain Enola Gay largue sur Hiroshima une bombe atomique qui détruit la quasi intégralité de la ville. Une vingtaine d’années plus tard, des étudiants en photographie japonais entame un projet centré sur la ville alors que le Japon est en pleine croissance économique et traverse une période d’intense agitation politique et sociale.
1968, le monde occidental est secoué par de violentes contestations. Au Japon, les étudiants s’opposent à l’autoritarisme universitaire, contestant le modèle consumériste occidental et le système politique d’après-guerre. Un fort mouvement s’organise contre le maintien des bases militaires américaines et alerte sur les problèmes environnementaux et la pollution, conséquence dévastatrice de l’industrialisation. Le pays connait alors une crise idéologique profonde où la jeunesse et une partie de la communauté remettent violemment en question le modèle de société et l’alliance avec les États-Unis.
A cette époque,Tatsuo Fukushima, critique de photographie et figure très influente dans le mouvement photographique japonais d’après-guerre, est le dirigeant de facto de la All Japan Student Photography Federation (Fédération japonaise des étudiants en photo de tout le Japon) qui s’organise principalement autour des clubs photographiques des lycées et des universités à travers le pays. Il dit aux étudiants : « La véritable crise n’est pas sur les lignes de front de la protestation, elle se trouve ailleurs. » identifiant cet ailleurs comme étant Hiroshima et incitant les étudiants à s’y rendre. « 8.6 Hiroshima Day » est le nom que les participants donnèrent à leur démarche, les chiffres rappelant le 6 août 1945, date du bombardement. Ils tournèrent leurs objectifs vers cette ville plus de 20 ans après l’explosion atomique, alors qu’elle était en pleine reconstruction rapide, transformant à la fois le paysage urbain et la vie de ses habitants.
Il s’agissait de documenter le quotidien de la ville et sa population au-delà du traumatisme, de s’interroger sur la signification du nom Hiroshima à une époque où la mémoire collective risquait de s’estomper face à la reconstruction et à l’américanisation culturelle. C’était également la volonté d’utiliser la photographie comme un outil d’action collective et d’entamer une réflexion critique sur l’histoire et l’identité de la ville. L’initiative se prolongera jusqu’en 1971 au gré de onze sessions et donnera lieu en 1972 à l’édition du livre HIROSHIMA, Hiroshima, hírou-ʃímə, dont le titre est écrit à l’aide de trois typographies différentes. En katakana en référence à l’événement historique de 1945, en kanji pour parler de la ville reconstruite et de la vie quotidienne, et en transcription phonétique mettant en lumière la complexité et la pluralité des significations du nom. La mise en page finale du livre intégra également des photographies de manifestations étudiantes à l’université de Hiroshima prises par les membres de l’AJSPF résidant alors dans la ville. Les étudiants produisirent des documents imprimés, prospectus, affiches, dont une déclaration collective, et rédigèrent des rapports décrivant les objectifs du projet, le contexte et les détails de leurs activités photographiques. Ces documents contenaient des réflexions intimes relatives au dilemme intérieur qu’ils éprouvèrent en photographiant des Ibakusha (survivant de la bombe atomique) et au moment de rejet et d’acceptation qu’ils vécurent au contact des habitants.
Musée d’Hiroshima pour la Paix
- Jesse Rieser
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