© Sibylle Bergemann

La fondation Henri Cartier-Bresson présente deux expositions qui sont très éloignées géographiquement et dans le temps, mais qui ont, néanmoins, un point commun, celui de parler d’Histoire.

D’un côté « Radio Ballast » de François-Xavier Gbré, travail réalisé le long de la ligne ferroviaire construite pendant la colonisation de la Côte d’Ivoire et qui traverse le pays. L’auteur, franco-ivoirien et petit fils de cheminot, a suivi la voie ferrée présentée comme une métaphore de l’histoire du pays, la traversée de trois époques, colonie, indépendance et période contemporaine. Le titre du projet fait écho à une expression qui, dans le jargon des cheminots, désigne des rumeurs d’origine inconnue comme si elles émanaient du rail lui-même. L’auteur revendique une évocation poético-documentaire du rapport nord-sud. « J’apporte des documents et des informations dans ce travail, mais je ne le définis pas comme réellement documentaire, car il y a énormément de portes ouvertes et de place à l’interprétation subjective du regardeur. Il est libre d’imaginer, de créer sa propre histoire à travers ces images. Je suis à mi-chemin entre le poétique et le documentaire. »

Saut dans le temps et l’espace avec « Le monument » de l’Allemande Sibylle Bergemann (1941-2010). C’est une série de photographies réalisées entre 1975 et 1986 à-propos de l’élaboration du monument à Marx et Engels à Berlin-Est. Pendant onze ans, elle photographiera toutes les étapes de la construction depuis les premières maquettes jusqu’à l’inauguration du monument. Parmi plus de 400 pellicules utilisées, elle retiendra douze photographies réunies sous le titre Das Denkmal (Le Monument). La série révèle un langage visuel aux antipodes des canons officiels. Dans une perspective post-communiste, la déconstruction des héros et l’ironie à l’œuvre ont un caractère annonciateur de ce qui allait effectivement aariver. De fait, ce travail prend deux significations diamétralement opposées selon que l’on la regarde dans un sens ou dans l’autre. On peut soit y voir l’érection d’un hommage aux héros ou bien le déboulonnage des idoles. S’appuyant sur une objectivité rigoureuse, Bergemann a réussi à éviter la censure et à traduire de façon rigoureuse l’obsolescence d’une idéologie.

La Fondation Henri Cartier-Bresson

Le site de Sibylle Bergemann

Le site de François-Xavier Gbré

 

Gilles Courtinat
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