Intervention de Claire Leibowicz, responsable IA et intégrité des médias à l’ONG Partnership on AI, doctorante à l’Université d’Oxford. © Paul Melcher

Il y a six ans, un groupe d’éditeurs de presse visionnaires et une redoutable entreprise de logiciels de création, experte dans la manipulation de contenus numériques, ont uni leurs forces pour élaborer ce qui pourrait bien être le standard le plus important, et pourtant le plus sous-estimé, de notre génération : la crédibilité des contenus digitaux.

Depuis, trois conférences ont réuni experts, défenseurs du projet et simples curieux venus du monde entier, le temps d’une journée, autour d’un objectif unique et pressant : préserver la confiance et la responsabilité dans le contenu numérique.

Tout a commencé avec la photographie, le média le plus persuasif dans nos décisions quotidiennes, et par nature, le plus vulnérable. La photographie a toujours été modifiable : c’est inscrit dans son ADN. Et nous ne voudrions pas qu’il en soit autrement. Comme toute langue, elle doit rester malléable pour s’adapter à nos besoins de communication.

La construction d’une cathédrale

Mai 2025 et donc six ans plus tard, beaucoup de choses ont évolué. Notamment la création de la C2PA : un groupe de travail technique réunissant des volontaires, dirigeants, ingénieurs et experts, œuvrant avec une persévérance quasi monastique pour bâtir l’architecture de la confiance numérique. Observer leur travail évoque celui des bâtisseurs d’antan : infatigables, méticuleux, unis par une vision. La norme C2PA n’est pas une œuvre d’art, mais à l’instar de l’art, elle incarne une vision collective, exprimée non par des images ou des sons, mais à travers une longue et complexe liste de paramètres définissant comment établir, préserver et partager la confiance dans le numérique pour les décennies à venir.

En parallèle, l’équipe de la Content Authenticity Initiative (CAI) s’est consacrée à faire connaître cette idée, s’adressant à tous ceux qui pouvaient, et devaient, comprendre l’importance de l’étiquetage du contenu numérique, afin que chacun puisse en saisir l’origine et l’intention. Et cela fonctionne. De plus en plus d’acteurs, de plus en plus d’implémentations : ce qui n’était au départ qu’un espoir, une idée, un projet, est désormais une réalité — mise en œuvre par des géants comme Google, Microsoft ou OpenAI, et visible chaque jour sur des plateformes comme LinkedIn. Et grâce à eux, chacun peut désormais s’y mettre, grâce à un outil public et gratuit : https://contentauthenticity.adobe.com/

Mais ce smmet a rappelé une chose essentielle : le travail est loin d’être terminé. Pour réussir, l’authenticité du contenu doit sortir des cercles d’experts et atteindre le grand public. Elle doit être adoptée par tous ceux qui créent ou diffusent du contenu numérique, qu’il s’agisse d’images, de vidéos, de sons ou de textes. Mais avant cela, elle doit se simplifier. Elle doit dépasser ses étrangetés techniques, rationaliser son intégration, et rendre évident , et mesurable, son retour sur investissement.

Les vestiges du jour

Ce sommet s’inscrivait dans cette dynamique. Les fondations sont posées ; il faut désormais construire le premier, puis le deuxième, puis le troisième étage… Grâce aux interventions variées d’une pléiade d’orateurs brillants — Hany Farid (USC Berkeley et GetReal Labs), Abhi Chaudhuri (LinkedIn), Will Kreth (HAND), Adam Buhler (Digitas), Aundre Larrow (Buelahland), et bien d’autres tout aussi éclairants (liste complète ici : https://www.contentauthenticitysummit.com/2025) — le public a pu apprécier l’ampleur et la diversité du sujet. Les ateliers de l’après-midi ont donné à tous les participants l’occasion de retrousser leurs manches et de contribuer. Chaque session avait un cadre bien défini, animé par des experts de leur domaine.

Rien ne garantit qu’un résultat concret émergera immédiatement de ce sommet. Le travail de fond se poursuivra, entreprise par entreprise, soutenu , ou non  par la législation mondiale. Comme un projet LEGO, brique après brique, chaque pièce venant compléter la précédente. Mais ce que cet événement a clairement renforcé, c’est un sentiment de communauté, des liens personnels solides, et un terreau fertile pour des réflexions plus poussées. Ce qui s’est exprimé dans toutes les conversations de la journée, c’est une conviction partagée : cela arrivera, quels que soient les obstacles.

Et c’est, au fond, tout ce qu’il faut savoir.

Paul Melcher
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