France, Issy-les-Moulineaux le 28 avril 2011 : Agathe Gaillard  au vernissage de l’exposition Edouard Boubat Photographies Instantanés de bonheur.

J’ai peu connu Agathe Gaillard, malgré qu’elle fût une de mes contemporaines et une figure de la photographie. Une dizaine d’années d’écart d’âge et surtout le fossé, entre le photojournalisme et l’art, ne m’ont pas conduit à beaucoup fréquenté la rue du Pont Louis-Philippe ou elle tenait sa galerie depuis 1975.

Il s’en est fallu de peu. Elle était l’épouse du photographe Jean-Philippe Charbonnier (1921–2004), pilier du mensuel Réalités (1946–1978), où se retrouvèrent des photographes de la première agence Vu, qui deviendra Viva — un courant auquel les jeunes photographes de l’après-Mai 68 étaient assez proches.

Agathe Gaillard ouvre les portes de sa galerie au 3, rue du Pont Louis-Philippe dans le 4ᵉ arrondissement de Paris. Un pari un peu fou à l’époque, mais elle — et l’époque — l’étaient. Il n’y avait pas de « modèle économique », pas de recette éprouvée. Tout était à inventer.

Elle expose Ralph Gibson, Henri Cartier-Bresson, Édouard Boubat, André Kertész, Robert Doisneau et bien d’autres. Bavarde, bonne conteuse, elle ne se contente pas de montrer : elle raconte les photos. Elle raconte les photographes avec lesquels elle s’est souvent liée d’amitié. PHOTO, puis la FNAC, et enfin les Rencontres d’Arles — dont elle est un pilier — vont l’aider à devenir une figure incontournable de la photographie.

La dernière fois que je lui ai parlé, en mars dernier alors qu’elle était déjà bien malade chez sa fille, elle me vantait les qualités humaines de Bernard Faucon, pourtant accusé de violences sexuelles — sujet dont elle ne voulait pas entendre parler. Elle était fidèle en amitié jusqu’au bout, jusqu’à l’inaudible.

Avec son franc-parler, pas toujours publiable, elle me fit part de son agacement de voir la photographie happée par le marché de l’art — et donc par l’argent :

« Ce n’est pas ce que nous voulions à l’époque où l’on se démenait pour faire reconnaître la photographie ! »

Michel Puech
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