Perpignan, Campo Santo – Visa pour l’image

Visa pour l’image est la référence mondiale pour la qualité de l’information photographique, et pour l’authenticité des prises de vue. A l’heure de la profusion des images générées par IA, le festival international de photojournalisme est plus que jamais indispensable à l’information de tous.

« Visa pour l’Image nous rappelle aussi que moins d’un pays sur cinq profite d’un modèle d’information libre. Nous sommes des privilégiés, soyons des résistants. » Pierre Conte Président de l’Association Visa pour l’Image – Perpignan

Le chiffre est impressionnant : 250 000 visiteurs pour les expositions de l’an passé. Cette année la foule semble encore plus dense pour les expositions de Jean-Louis Courtinat, Jean-Pierre laffont, Eugene Richards, Pascal Maitre et tant d’autres… Incontestablement le grand public est passionné – lui aussi – par le photojournalisme. Paradoxe de cette époque ou les conditions économiques de l’exercice ne sont pas simples. Mais, au Campo Santo, au côté des images dominantes de l’AFP, AP, Reuters, on notait également une remarquable présence de plusieurs agences et collectifs : Collectif DR, Item, Grand Format, MYOP, Le Pictorium…

Les projections du Campo Santo font le plein : 2400 spectateurs chaque soir ! C’est impressionnant de voir la ferveur de ce public où professionnels et grand-public se côtoient. Alors que ces dernières années, et pour être franc, depuis longtemps, la rumeur ressassait que « hein, ce n’est plus ce que c’était », cette année les « ronchons » avaient désertés devant une marée de jeunes gens pour qui ce sera mieux demain.

En tout cas, un vent nouveau soufflait sur cette 37ème édition, et l’infatigable Jean-François Leroy, longuement ovationné par le Campo Santo, pouvait annoncer que la transition numérique de Visa allait se matérialiser dans un nouveau site web, plus attractif et interactif. Le signe d’un renouveau.

Je n’ai pas connu le festival à ses débuts à la fin du siècle dernier, mais j’y viens pratiquement tous les ans depuis vingt ans. Et, en 20 ans, tout à changé dans ce métier, mais Visa reste incontournable. En 2005, autant dire la préhistoire, les agences de presse photo magazine du XXème siècle tenaient encore le haut du pavé et attiraient les jeunes photographes comme des mouches sur un pot de miel. Pourtant, Rapho, Magnum, Gamma, Sygma, Sipa et les autres n’étaient plus ce qu’elles avaient été…

Le Palais des Congrès était le rendez-vous des professionnels. Voilà un lieu de rencontre qui manque au bizness des agences. Aujourd’hui, les jeunes se retrouvent, grâce à l’Association national des iconographes (ANI), aux lectures de portfolios, au premier étage du Palais des Congrès.

2005, c’était l’heure de  la bascule agentique vers le numérique. En 2010 le festival bruissait des faillites du Groupe Eyedea  ( Reporters Associés, Keystone, Gamma, Rapho, Hoa-Qui, Explorer, Top, Jacana, Grandeur Nature, Petitformat etc.)  et de Corbis-Sygma (APIS, Europress, Sygma, Kipa, Tempsports etc.)  Le dépôt de bilan de Corbis-Sygma entraina ces fonds photographiques dans une errance dont on peine encore aujourd’hui à connaitre la destination finale. Cette faillite ne fut pas qualifiée de frauduleuse en justice ; mais du point de vue moral, c’est une autre histoire. Il faut se souvenir que Bill Gates était alors l’homme le plus riche du monde ! En 1999, lors de son achat de Sygma, j’avais écris qu’il se payait une danseuse.

La faillite de Corbis-Sygma, puis la vente de la totalité des fonds de Corbis a Visual China Group par Bill Gates a eu des conséquences difficiles à mesurer aujourd’hui. Rien que pour Sygma, seul un petit millier de photographes, sur les 7000 enregistrés, avaient des contrats de droits américains soit une situation simple. Les autres, soumis au droit français, ont été pris dans la tourmente de la faillite.

Depuis 15 ans, un seul photographe, Dominique Aubert réclame, en justice et en vain, la restitution des ses photographies. Il est seul à mener un onéreux combat dont l’issue peut concerner beaucoup d’autres photographes. Il se heurte au silence et aux manœuvres judiciaires de Maître Gorrias, liquidateur de Corbis-Sygma, de ses co-accusés : Getty Images, Unity Glory International filiale de Visual China Group et Loquarchives l’entreprise de stockage de Corbis.

Le 19 septembre 2025, à 10 heures du matin, salle 613, la 2ème section de la 3ème chambre du tribunal de Paris statuera sur le sort des archives du photographe. Du même coup, on comprendra peut-être – je dis bien peut-être – le sort de ces millions de photos fruit du travail d’un immense réseau international de photographes. On comprendra peut-être – je dis bien peut-être –  le sort de millions de photos « point rouge », « non-choix », et photos de « pool », une partie non négligeable de notre patrimoine photo journalistique.

Affaire à suivre

 

Michel Puech
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