
La photojournaliste ukrainienne Julia Kochetova a présenté au Prix Bayeux Calvados Normandie des correspondants de guerre 2025, une exposition sur le conflit russo-ukrainienne, combinaison de photographies, de poésie, de musique électronique, de croquis et de véritables objets de guerre, faisant appel à tous les sens pour ressentir la guerre au plus près.
Dommage pour ceux qui n’auraient pu se rendre entre le 6 et le 12 octobre à Bayeux : l’exposition War Is Personal, une réflexion imagée poétique et musicale sur la guerre en Ukraine a été très, trop, éphémère. Des photos de Julia Kochetova, des dessins également, ceux du graphiste ukrainien Oleksandr Komiakhov, des objets de la guerre, de la musique, celle de la DJ ukrainienne Daria Kolomiek et des poèmes, beaucoup de poèmes, ceux de Julia.
Une exposition multisensorielle comme on en rencontre rarement où l’on pouvait voir, entendre et toucher aussi la guerre. La sentir également car la salle Medusa où exposait l’artiste est une petite salle, si petite que l’on n’est parfois distant que d’un mètre d’une image qui mesure 1,5 par 1,2 mètre. Peut-être une façon de répondre à la question que l’on trouve dans un poème dans une autre partie de l’exposition : « A quelle distance peut-on photographier un ami dans son cercueil ? ». Une question qui vient immanquablement à l’esprit, pour peu que l’on se soit attardé sur les poésies, certes en anglais mais avec la traduction proposée aux visiteurs, quand on regarde ces mains croisées en gros plan.

« J’espère que la guerre prendra fin avant que mon cœur ne cesse de battre » écrit également l’auteure qui a eu 32 ans en juillet dernier, lauréate du World Press Photo en 2024. Un souhait au cœur de plus en plus d’Ukrainien après plus de 1300 jours depuis l’invasion de février 2022. Elle écrit d’ailleurs depuis longtemps et ceux qui suivent son compte Instagram sous le pseudo Seamer sont habitués à ses textes poétiques particulièrement longs mais transpirants la sévérité de la guerre et la réalité d’un conflit qui dure, une actualité en chassant une autre. « Nous ne faisons plus la Une des journaux, jusqu’à ce que des gens soient écrasés sous les décombres » écrivait-elle ainsi en 2023. Seamer en anglais, c’est sertisseur. Sertir, une opération qui consiste à fixer solidement une pierre précieuse sur un bijou. Avec ses textes et ses images, Julia Kochetova sertit en nous les frissons de la guerre. « Je vous souhaite de ne jamais perdre quelqu’un que vous aimez. Je vous souhaite de ne jamais perdre quelqu’un à la guerre. » écrivait-elle en juin 2024 un mois après avoir reçu le World Press et être rentrée en Ukraine pour enterrer Ira, un de ses plus proches amis mort à la guerre.
Le prix Bayeux est une occasion rêvée pour ouvrir le regard des élèves des collèges et lycées de la ville. Comme l’exposition « War Is Personal » n’a duré que quelques jours contrairement aux autres expositions qui fermeront début novembre, les classes n’ont cessé d’y défiler. En 3e, les collégiens étudient les guerres mondiales et la construction de l’Union européenne. Quoi de mieux qu’une photo d’un tournesol écrasé par un char et quelques lignes de poésie pour mieux appréhender le sujet ?
« Parle-moi de cette année. / De la distance et du silence où les canons tiraient. / Comment, par la suite, les tranchées ont commencé à fleurir. / Parle-moi du fragment dans ton casque. / Parle-moi. / Comme si tout cela n’était pas arrivé avec moi. / Parle-moi du bus avec les blessés. / Parle-moi, parle-moi, parle-moi. » (Julia Kochetova)
War Is Personal sur le site de la photographe, avec des sons, dont sa voix, des photos, des dessins et des textes
Instagram de la photographe
- Julia Kochetova
War Is personal
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