© collectif le commun des mortels

Longtemps cette famille de la photographie était appelée « photo d’amateur » le mot prenant le sens un peu méprisant de photographie sans qualité, non conforme au règles de l’art édicté par ceux qui, du haut de leur piédestal, étaient supposés savoir de quoi ils parlaient. C’était avant qu’advienne le « vernaculaire » dont le nom rime avec « populaire » mais parfois un peu trop avec « monétaire ». Seuls quelques amateurs de l’amateur s’y intéressait et constituaient de précieuses collections au gré de leur chinages, profitant de la faible valeur pécuniaire accordée à l’objet de leur recherche.

Au nombre des passionnés, le collectif « le commun des mortels » piloté par Élise Pic et Jacques Barbier qui sont à la tête d’une collection de 3 millions d’objets pho­tographiques couvrant près de deux siècles d’histoire de la photographie, du daguerréotype au numérique. Le duo propose au Centre d’art et de Photographie de Lectoure une exposition tout à fait originale baptisée « Dommage ! », un titre compréhensible de deux manières, soit au sens de dégât soit comme regrettable. Et il aurait été effectivement fort dommage de ne pas pouvoir apprécier ces images présentées qui ont toutes la particularité d’être endommagées et ce pour diverses raisons. Déchirées, gribouillées, détériorées, recollées, pliées, moisies, tâchées, effacées, délavées, brûlées, ces photos d’anonymes marquées par le temps racontent plusieurs histoires. Tout d’abord celle capturée afin d’écrire le grand récit familial, à figer dans le temps des moments heureux ou marquant les grandes étapes de la vie. Ensuite elles racontent leur altération, soit par accident soit par la volonté humaine. Déchirée elle va évoquer la colère, scotchée le repentir, délavée le temps qui passe, moisie l’accident. Enfin, troisième strate, le surplus esthétique involontairement généré par cette dégradation qui s’approche d’une pratique artistique existante agrémentant des photographies de broderies, dessins, écritures, lacérations voire même d’impact de tir au pistolet (tirer le portrait au sens premier…). Il ne s’agit pas d’un éloge de la photo ratée, dont le propos ne concerne que le moment même de la prise de vue, doigt devant l’objectif ou flou involontaire. Là on a glissé plus loin sur l’échelle du temps, on est a posteriori, une fois l’image fixée sur son fragile support, ayant subi moult avanies, au gré d’événements ou de la volonté humaine, cette action lui donnant une toute autre apparence.

Exposition

« Dommage ! », jusqu’au 25 janvier 2026

Centre d’art et de Photographie de Lectoure

 

Gilles Courtinat
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