Serge Assier, photojournaliste au Provençal puis à La Provence et auteur photographe cède ses archives, produites entre 1970 et 2022. Il en fait don à l’État pour qu’elles soient conservées à la Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MPP).
« Cela fait plus de 15 ans que je souhaitais faire une donation » nous écrit Serge Assier. « Jean-Claude Lemagny, ancien conservateur au sein du département des estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France, me disait que j’étais encore trop jeune, que j’aurais peut-être besoin de mes négatifs et de mes tirages pour organiser mes expositions, mais j’ai quand même offert plus de 80 tirages 30 x 40 cm à la BNF, ainsi qu’au Musée de la Photographie de Charleroi (Belgique) et à la Mission du Patrimoine Photographique. »
« J’ai fait la même chose pour mes livres. J’ai offert la totalité de mes ouvrages, 32 en tout, à la BNF, à la Bibliothèque Kandinsky à Beaubourg, à l’International Center of Photography à New York, à l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles et bien d’autres … Antoine Coron qui était le directeur de la réserve des livres rares à la BNF en était stupéfait. Combien de fois m’a-t-il demandé des manuscrits et des tirages pour les hommages qu’il réalisait à la BNF à propos de René Char, Michel Butor et les autres … ».
« Puis, tout ce monde a pris sa retraite et je n’avais plus de contact. Heureusement, Madame Héloïse Consésa, qui a remplacé Jean-Claude Lemagny, Conservatrice du patrimoine, chargée de la collection de photographies contemporaines au sein du Département des Estampes et de la photographie connaît mon travail et l’apprécie. Quand je lui ai écrit, en début d’année 2022, elle m’a répondu tout de suite en me disant que mon travail était trop volumineux avec tous ces auteurs littéraires qui ont travaillé avec moi et qu’elle n’aurait jamais assez de place pour tout recevoir et m’a donné le nom de personnes que cela pourrait intéresser à la MAP qui aujourd’hui est devenue la MPP ».
« Nul n’est prophète dans sa ville, son pays »
par Serge Assier
Né à Oppède-le-Vieux, dans le Luberon, j’ai créé, depuis Marseille, ma ville d’adoption, une œuvre d’art universelle en correspondance avec les textes de mes amis poètes et écrivains.
Aucune institution ne s’est intéressée à mon travail d’auteur et tout a été réalisé avec mes fonds propres. Les musées marseillais ou nationaux ne m’ont apporté aucun soutien, car je ne fais pas partie de l’intelligentsia.
Je suis un homme libre. En 1984, grâce à l’amitié qu’ils me portaient, Edmonde Charles-Roux et son mari Gaston Defferre m’ont fait l’honneur de m’attribuer la Salle Allende à la Vieille Charité à Marseille. Edmonde Charles-Roux a écrit plusieurs textes sur mes travaux photographiques, notamment sur « La Corse Buissonnière » et « Good Mistral », le quartier des Goudes, ainsi que de très beaux articles.
J’ai financé la totalité de mes 32 expositions ainsi que les ouvrages qui les accompagnaient. Mon métier de reporter photographe m’a permis de vivre de la photographie et de produire en même temps une photographie d’auteur.
J’ai construit mon travail photographique autour de mes envies, en indépendant, mais aussi avec des amitiés sincères : romanciers, essayistes, poètes, universitaires … qui sont entrés dans l’univers de ma photographie en acceptant d’écrire des textes pour accompagner mes images.
Entre autres, Jean Andreu, Cyril Anton, Fernando Arrabal, Michel Butor, René Char, Edmonde Charles-Roux, Renato Cristin, Bruna Donatelli, Marie Frisson, Georges Fréris, Lucien Giraudo, Adèle Godefroy, Vicki Goldberg, Philippe Jaccottet, Zhu Jing, Jean Kéhayan, Laurence Kučera, Philippe Larue, Eliahu Lemberger, Ivan Levaï, Jean-Marie Magnan, Louis Mesplé, Bernard Noël, Alain Paire, Robert Pujade, Jean Roudaut, Jean-Maurice Rouquette, Dominique Sampiero, Tereza Siza, Christian Skimao, Abigaíl Suncín et Jean-Charles Tacchella.
Aujourd’hui, à bientôt 76 ans, je viens de décider de faire une donation à la Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MPP), pour sauver cette œuvre photographique et littéraire unique. Je remercie ses responsables de l’avoir acceptée, c’est un grand bonheur pour moi et tous mes amis cités plus haut, une belle trace de vie qui, je l’espère, continuera à exister après mon départ pour rejoindre mes amis poètes disparus.
Ce don se compose d’un ensemble de négatifs noir et blanc sur support souple 24×36, 6×6, 9×12, de positifs et négatifs couleur, de planches contact, de tirages de lecture les référençant et d’un ensemble de tirages d’exposition associés à des manuscrits d’écrivains comme René Char, Michel Butor, Fernando Arrabal, Jean Roudaut, Philippe Jaccottet et bien d’autres cités plus haut, ainsi que toutes les correspondances avec ces auteurs avec lesquels j’ai collaboré. Y seront jointes les archives relatives à ma carrière, ainsi qu’un ensemble de justificatifs de publications de ces images.
Une page se tourne sur ma vie, sans rancœur, malgré le peu de soutien des institutions culturelles. J’étais peut-être un homme trop libre.
Mais avec la MPP une nouvelle vie commence pour mes œuvres photographiques et littéraires.
Serge Assier