© Hervé Gloaguen

Les éditions Contrejour publient le livre d’Hervé Gloaguen consacré à la ville éternelle qui, après éblouir le jour par ses monuments grandioses et son histoire millénaire, dévoile la nuit une âme plus secrète et plus sensuelle.

En 1974, après avoir acheté un combi Volkswagen d’occasion, Hervé Gloaguen met le cap sur l’Italie avec femme et enfant. Après Gênes, Venise et la plaine du Pô, c’est l’arrivée à Rome. Il y retournera six fois avec toujours le même dispositif exigeant exempt de lumière d’appoint.

« Après les journées torrides les Romains viennent chercher la fraîcheur au bord des fontaines qui jalonnent le centro storico. Sur fond d’églises et de palais assombris par la nuit, Rome joue son théâtre quotidien. Les Romains sont à la fois acteurs et spectateurs, avec les touristes comme figurants du spectacle qu’ils se donnent à eux-mêmes. On boit, on mange, on regarde, on se fait regarder, on caresse la pierre encore chaude, la peau de la ville. » « Photographier Rome la nuit en couleur sans flash, voilà un beau défi, une belle aventure. Unité de lieu, unité d’action, unité de temps, ma feuille de route est toute tracée : je reviendrai à Rome, il faudra du temps et encore du temps. »

Une fois que le soleil a disparu derrière les collines et que ses derniers rayons caressent les façades ocre du Trastevere, le photographe part à la conquête de la ville. Les touristes se raréfient, les terrasses des bars et des restaurants allument leurs lumières, l’air se charge cette langueur particulière qui fait le charme des soirées méditerranéennes. C’est l’heure où les Romains sortent de leur torpeur diurne pour s’approprier leur ville. Dans les ruelles pavées du centre historique, les cafés débordent sur les trottoirs, créant ces tableaux vivants où se mêlent conversations animées, rires et tintement des verres. C’est le rendez-vous des jeunes et des moins jeunes, les portes ouvertes des trattorias laissent s’échapper des arômes de basilic, d’ail et de mille autres gourmandises. Les statues des fontaines semblent s’animer et converser entre elles dans le murmure de l’eau qui jaillit, les palais baroques se parent d’ombres mystérieuses, créant un décor digne d’un opéra. Les Romains ont fait de la promenade nocturne un art de vivre. La passeggiata n’est pas seulement une promenade, c’est un rituel social, un moment de partage et de contemplation. Chaque artère, chaque place devient un salon à ciel ouvert où l’on se montre, où l’on se rencontre, où l’on refait le monde dans une commedia dell’arte quotidienne. Au fil de plusieurs voyages, Gloaguen captera l’essence même de ce moment qui transforme l’ordinaire en extraordinaire. Ses images sont d’une grande modernité et baignent dans une chaude couleur dorée. Des groupes se forment, des rires fusent, les amants s’embrassent, on s’interpelle. A elle seule, la photo de la couverture du livre résume cette atmosphère si particulière. C’est le portrait d’un jeune homme, il est beau, barbu, sa tête est penchée, ses yeux sont clos comme en extase, c’est une figure christique. Comme si Gloaguen nous prouvait qu’après s’être arrêté à Eboli, le Christ avait poursuivi son chemin jusqu’à Rome.

A Rome la nuit, Hervé Gloaguen, Ed. Contrejour. 96 pages, 22x31cm, 40€

 Dernière révision le 23 juin 2025 à 11:37 am GMT+0100 par la rédaction

Gilles Courtinat
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