Russie, Moscou,  22 mai1992 : a l’occasion de la visite du président de la Pologne, Lech Wałęsa, en Russie. Messe célébrée dans l’appartement du Kremlin par l’aumônier présidentiel, le révérend Franciszek Cybula.  De gauche à droite : le révérend Franciszek Cybula, Danuta Wałęsa, Lech Wałęsa, le porte-parole de Wałęsa Andrzej Drzycimski, le chef de cabinet de Wałęsa Mieczysław Wachowski.<br> Photo : Wojtek Laski / East News

Avant de devenir à Varsovie le fondateur de l’agence de presse East News, Wojtek Laski a été un photographe staff et star de l’agence Sipa Press. Comme beaucoup de photojournalistes de sa génération, il doit beaucoup à Gökşin Sipahioğlu, auquel il rend hommage en confiant à L’Œil de l’Info ces souvenirs de l’époque.

Mes aventures avec Sipa Press datent du début des années 70 alors que je travaillais alors comme correspondant de l’hebdomadaire italien Famiglia Cristiana et, en plus, je coopérais avec Sipa Press. À cette époque, l’agence avait son siège au deuxième étage de l’immeuble situé au 24, rue de Berri à Paris. Une rue perpendiculaire aux Champs-Élysées, une place absolument unique en son genre dans le Paris de cette époque.

Dans les premières années de la Pérestroïka en URSS, Sipa Press m’a envoyé à Moscou. Gorbatchev était au sommet de sa popularité et il y avait une très forte demande pour des photos de lui et de son épouse Raïssa. Les rédactions voulaient des témoignages sur la démocratie renaissante et les publiaient bien volontiers.

Le troisième anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl approchait, et Sipa m’a commandé un reportage sur les lieux du drame. J’ai eu un mal fou à obtenir la permission de me rendre en Ukraine, à Tchernobyl, qui restait alors inaccessible aux journalistes occidentaux. Sur place, je me suis très vite rendu compte que je n’étais pas libre de travailler comme je le souhaitais : j’étais constamment surveillé.

J’ai décidé d’aller de l’autre côté de la rivière Pripiat, en territoire biélorusse. À Minsk, j’ai été accueilli avec plus d’égards : la presse internationale parlait peu de la Biélorussie. Cette région avait pourtant beaucoup souffert de l’explosion de Tchernobyl. J’ai réussi à faire des portraits de dizaines de victimes soigneusement cachées en Russie par le Kremlin. En particulier, il y avait beaucoup d’enfants malformés, sans membres, sans peau… Après la publication de notre dossier, des lecteurs touchés par la situation de ces enfants ont demandé à l’agence Sipa Press à qui et où ils pouvaient envoyer de l’argent et de l’aide.

Très populaire en Occident, Gorbatchev l’était beaucoup moins dans son propre pays. Ce fait était bien connu du président de la Russie, Boris Eltsine. Dès le début, il ne portait pas le pouvoir central dans son cœur. Lors d’un long voyage à travers l’URSS, j’ai eu l’occasion de mieux connaître Boris Eltsine. Je lui ai offert le livre sur Lech Wałęsa et Solidarność que j’avais publié avec Jean Offrédo. Le livre contenait une dédicace de Lech Wałęsa.

Comme je connaissais bien les deux hommes politiques, je les ai présentés l’un à l’autre à l’hôtel Russia, pendant les funérailles d’Andreï Sakharov. Grâce au soutien de Boris Eltsine, j’ai pu rester au Kremlin avec la délégation de Lech Wałęsa, alors président de la République de Pologne. Wałęsa y occupait les appartements de Staline. Une messe y a été célébrée par l’aumônier personnel du président polonais — un véritable événement dans l’histoire du Kremlin.

Je dois reconnaître que beaucoup de relations que je maintiens et apprécie jusqu’à présent ont été nouées grâce à des pressions ou des encouragements venant de la part de Gökşin Sipahioğlu et de Michel Chicheportiche, pour couvrir telle ou telle histoire qui, à première vue, pouvait paraître banale.

Wojtek Laski

 

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