Il y a dizaine de jours, je tombais de ma chaise en lisant le communiqué du World Press Photo annonçant qu’il « suspendait » l’attribution de la photographie de la « Napalm girl » à Nick Ut…
Erratum : l’homme sur cette photo, n’est pas un agent de la PIDE.
J’avais titré mon édito : de l’art de flinguer un photojournaliste émérite, et je ne le regrette pas, même si cela a contrarié Madame Joumana El Zein Khoury, directrice générale du World Press Photo comme elle l’a confiée à Claire Guillot dans Le Monde du 21 mai dernier :
« Les réactions sont très vives, dans un sens ou dans l’autre. Mais mon instinct me dit que c’est surtout le monde de la photographie qui est complètement obsédé par ça. Nick Ut a bâti sa réputation à partir de cette photo, et on nous accuse de tuer un photographe ! ll y a toute une légende autour de cette photo, et on vient la remettre en cause. »
De mon point de vue de journaliste, il n’y a aucun problème à remettre en cause les légendes. En France, nous avons rectifié, par exemple, la légende gaulliste d’une France globalement résistante à l’occupation nazi. Cela a été fait par des historiens qui ont apporté des preuves des faits et gestes de l’Etat dirigé par Philippe Pétain.
Mais dans le cas de la photographie dite « Napalm girl » ou sont les preuves du fait que Nick Ut n’aurait pas pris cette photographie ? Il n’y a que des allégations, des reconstitutions, des hypothèses… Donc, le WPP ne se conduit pas en organisme œuvrant dans le cadre d’une déontologie journalistique !
« Un langage inacceptable aujourd’hui » !
L’interview que la directrice de cet organisme a donné au Monde explique bien la méthode de travail :
« Je pense que beaucoup de choses ont été faites de façon problématique dans le passé. Je ne dis pas que c’est le cas pour cette image. Mais dans nos archives, qui remontent au début du prix à 1955, il y a des légendes de photos avec un langage inacceptable aujourd’hui, pour désigner le continent africain, les femmes, les LGBT, le sida… on y trouve le mot « N… » [nègre] (ndlr : c’est Le Monde qui précise). On passe beaucoup de temps à revoir les légendes et à les réécrire. »
Nous y voilà ! Le Worl Press Photo réécrit l’Histoire, à la manière de Staline. Pour un peu, il effacerait les personnages politiques devenus « inaceptables » !
De quel droit, le WPP s’arroge le pouvoir de réécrire les légendes et les auteurs déclarés des photographies qui ont été primées ? La seule chose que le WPP est en droit de faire : c’est apporter des corrections, des précisions aux légendes de l’époque de la prise de vue, mais en aucun cas « réécrire », substituer une légende à une autre !
Et dans le cas la photographie de petite fille vietnamienne, la seule chose que le WPP aurait du faire, c’est mentionné qu’il y avait une polémique concernant l’auteur, mais en aucun cas « suspendre » l’attribution à Nick Ut !
Puisque la directrice du WPP nous dit que cet organisme passe beaucoup de temps à corriger les erreurs du passé, je l’engage, non à réécrire la légende de la fameuse photographie d’Henri Bureau prise au Portugal au moment de la Révolution des Œillets en 1974, mais à l’enrichir des précisions suivantes.
Outre que cette photographie est datée sur le site du WPP du 1er avril, ce qui est un canular, le coup d’état datant du 25 avril 1974, la légende stipule toujours qu’il s’agit d’un agent de la police politique, la PIDE. « L’homme à l’image était, après tout, un citoyen de Setubal, sans aucune connexion avec la PIDE » comme l’écrit le journal l’Observator. Jean-Claude Francolon qui était au même moment à Lisbonne confirme qu’Henri Bureau savait que l’homme était totalement étranger aux évènements, et quelques peu éméché ce qui justifiait l’intervention des militaires !
Il est hors de question, d’effacer cette légende, d’enlever son prix à l’auteur ! L’exigence journalistique est de laisser tel quelle la légende, mais de la compléter avec un erratum du style : « nous devons préciser que cette photographie etc, etc. »
On ne réécrit pas l’Histoire Madame la directrice, on l’enrichit !
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