
Ce vendredi 19 septembre 2025, à 10 heures du matin, se tenait une audience débat pour savoir pour quelle raison, Dominique Aubert, ancien photographe de l’agence de presse Sygma, devenue Corbis-Sygma n’arrive pas, depuis quinze ans à récupérer ses reportages photograpiques ! Jugement le 21 novembre prochain.
RECIT – Le Tribunal judiciaire de Paris, œuvre de l’architecte Renzo Piano, n’était pas encore sortit de terre à la Porte Clichy quant à commencé cette triste affaire. En effet, les démélés du photographe avec Corbis-Sygma ont débutés en 2000. Il n’est alors plus photographe mais pilote d’avion de ligne. Il fait escale à Los Angeles et découvre sur des panneaux publicitaires une de ses photographies. Il est content et s’adresse à l’agence pour obtenir des relevés de publications et la rémunération de ses droits d’auteur. Il n’aura – déjà – pas de réponse.
Débute alors un incroyable combat entre le photographe et la société Corbis-Sygma, du groupe américain Corbis Corporation détenu en nom propre par – rien moins – que Bill Gates, le célèbre créateur de Microsoft. L’homme qui fut, un temps le plus riche du monde, a face à lui un homme dont le moins que l’on puisse dire, est qu’il est le photographe le plus obstiné que je connaisse et, qui a en horreur l’injustice. Et il sait de quoi il parle pour avoir couvert des conflits comme las guerres de Beyrouth ou d’Afghanistan. Entre autres.
Ce vendredi 19 septembre, la 2ème section de la 3ème chambre du tribunal de Paris se réunit dans la salle 613. Avant l’audience, je tente en vain de parler aux avocats. Mais ni Maître Olivier Pechenardd, conseil de Maître Gorrias de la société de mandataires judiciaires associés Becheret, Thierry, Sénéchal, et Gorrias, ni l’avocat du cabinet Pech de Laclause pour Getty images ne voudront parler. Reste Maître Jean-Philippe Hugot, avocat de Dominique Aubert.
« Monsieur Aubert est le dernier des photographes victimes de Corbis-Sygma a poursuivre une action ; mais il y a des milliers d’autres photographes… » dira, en substance dans sa plaidoirie Maître Hugo. « On a perdu des millions de photos, on ne sait pas si elles sont numérisés, on sait pas où elles sont passées ; or, ces photos constituent, de 1960 à 1980, une partie de l’histoire du monde au XXème siècle.»
La demande de Dominique Aubert est simple : il veut récupérer ses photos ; ou au minimum y avoir accès. Il a d’ailleurs proposé plusieurs fois de les numériser à ses frais et, même de rendre les originaux ensuite ! Des propositions à l’amiable restéés sans réponse.
« Monsieur Aubert, réclame ses photos, mais nos adversaires ne nous répondent pas » a poursuivit, en substence, dans sa plaidoirie Maître Hugot « on ne nous apporte aucune contradiction concrète…/… Monsieur Aubert espère encore récupérer des images de sa vie dont celles d’amis qui sont aujourd’’hui décédés. »
Le conseil de Getty images parle, non sans vergogne, « du flou total des demandes de Monsieur Aubert et de l’abscence de preuves concrètes ;.. » Pour l’avocate, il s’agit d’un conflit dans « l’histoire tourmentée de Sygma et de sa liquidation … Monsieur Aubert entretien une confusion majeure en impliquant Getty images alors que cette société n’est ni propriétaire, ni détentrice, ni exploitante des photographies de Monsieur Aubert. »
Getty images reproche à Dominique Aubert de ne pas apporter le contrat de cession de Corbis aux chinois. La belle affaire, aucun journaliste au monde n’a réussit à avoir connaissance des conditions de cette cession, ni les conditions du mandat des Chinois avec Getty images pour diffuser les photos de Corbis. En conclusion de sa plaidoirie, le conseil de Getty est de notre avis : les photographies d’Aubert étaient dans le lot d’images tombées dans les mains de Maître Gorrias.
En l’abscence de la société Locarchive, société qui stocke ou stockait les photos de Corbis-Sygma ; et en l’abscence de la filiale de Visual China Group qui a acheté tout les fonds Corbis ; il restait à entendre le conseil de Maître Gorrias.
« Aujourd’hui, je rappelle que le liquidateur judiciaire hérite d’une situation. Il ne peut être tenu pour responsable des raisons pour laquelle cette société est en liquidation, ni des inconséquences de la société. Le liquidateur est donc hors de cause » a déclaré en substance le cabinet Pechenard.
La Présidente de l’audience s’étonne alors : « Le liquidateur doit quand même savoir ce qui a été cédé à la société chinoise qui n’est pas la… » Le conseil de Maître Gorrias déclare que le liquidateur ne peut pas savoir ou sont les photos de Dominique Aubert. Face aux questions des juges, le conseil de Maître Gorrias s’énerve « On va arrêter le procès d’intention…. On accuse Maître Gorrias de tous les maux de la terre… »
La Présidente le coupe « On aa compris la situation. »
Pour bien comprendre cette affaire qui mobilise Dominique Aubert, seul photographe a avoir eut les moyens financiers de poursuivre son action en justice, il faut revenir sur quelques points de l’histoire ; et savoir que derrière Aubert, il y a d’autres photographes trop pauvres pour se payer des avocats qui, comme Aubert, souffrent de ne plus avoir, de ne plus voir les images de leurs vies.
La liquidation de Corbis-Sygma, outre le préjudice financier de la non-exploitation de leurs photos, est aussi, la négation de leur travail, souvent risqué ! Sans oublier également la perte d’un patrimoine important pour le pays. On aurait aimé que les différents ministres de la culture de ce pays est eu un peu plus ce soucis. En son temps, Maître Gorrias a souhaité confié toutes les photos tombées sous sa responsabilité à une institution publique, mais il a essuyé des refus.
Une première bataille et la faillite

Une première bataille a lieu entre 2003 et 2008. Cette année-là le tribunal des prud’hommes condamne Corbis-Sygma à verser 102.000 € à Dominique Aubert pour des pertes de photos. Dominique Aubert qui est déjà fatigué de cette histoire ne fait pas appel ; mais, surprise, Stephan Biberfeld, le gérant de la société, lui, fait appel ! L’erreur, s’il s’agit d’une erreur, sera lourde de conséquence. En 2010, la Cour d’appel de Paris condamne Corbis-Sygma à une indemnisation de 1.542.000 €, au titre de : perte d’images et de contrefaçon, la société ayant tenté lors de la procédure de faire passer des duplicatas pour des originaux… Voilà une belle opportunité de déposer un bilan en faisant porter le chapeau à un photographe !
La veille du week-end prolongé de Pentecôte, le vendredi 21 mai 2010 13:35, les clients de Corbis-Sygma reçoivent un courriel qui annonce :
« Malheureusement, en raison d’actions en justice et des jugements très lourds concernant les images manquantes de Sygma, perdues avant l’acquisition des archives par Corbis, nous avons été contraints de demander la liquidation de Sygma. »
Dans la foulé le gérant de l’agence « lache » à l’AFP le nom du « coupable » : Dominique Aubert ! Quinze ans plus tard, il y a encore des confrères qui persistent à croire que ce photographe est responsable de la faillite de l’agence ! C’est cette injustice, ce préjudice moral qui m’a conduit depuis à poursuivre l’enquête jusqu’à ce jour. De plus, contrairement au dire du communiqué les peertes de photos ne peuvent pas être automatiquement attribuées au Sygma d’avant Corbis : aucun inventaire exhaustif des archives n’a jamais été réalisé !
Enfin, neuf ans avant, le 22 novembre 2001, dans un document interne, la société Corbis-Sygma avait communiqué au Comité d’entreprise un « Un projet de repositionnement des activités de Corbis-Sygma » ou tout ce qui va se passer pendant les neuf années suivantes étaient expliqué minutieusement : changement de statut des photographes, sélèction d’une partie d’entre-eux pour des contrats de droit américain avec la société Corbis Communication, licenciement du « staff » et du personnel (iconographes, éditeurs , commerciaux etc.) et, en final : dépôt de bilan !
Ce dépot de bilan entraine la nomination de Maître Gorrias de la société de mandataires judiciaires associés Becheret, Thierry, Sénéchal, et Gorrias (BTSG)i. Celui qu’on appele « le liquidateur » est chargé de vendre tout ce qui peut être vendu : machine à café, bureaux, ordinateurs et documents en possession et en propriété de la société en faillite. En l’occurrence les archives photo de Sygma sont dans ce cas, à l’exception du millier de photographes qui a signé des contrats avec Corbis US.
Un millier sur au moins 7000 photographes ! Evidement la loi précise qu’après un dépôt de bilan, les auteurs ont deux mois pour réclamer leurs images. Mais ces milliers de photographes sont disséminés dans le monde entier, ont changé d’adresse et ne lisent pas forcément la presse française … Plusieurs années après la faillite j’ai reçu un courriel du correspondant en Polynésie de Sygma : au hasard d’une recherche Gogle et en lisant L’œil de l’info, il venait d’apprendre la nouvelle !
En 2011, Dominque Aubert, Derek Hudson, Philippe Ledru, Moshem Milner, Michel Philippot déposent plainte, avec leur conseil Maître Hugot, pour organisation frauduleuse d’insolvabilité, abus de confiance et abus de biens sociaux. Un non-lieu est toutefois prononcé, malgré des documents internes montrant que le dépôt de bilan avait été planifié deux ans après le rachat de Sygma par Corbis. Maître Hugot, avocat des plaignants avait également apporté la preuvve que la ligne de crédit ouverte par Corbis US pour Corbis France était encore opérationnelle… Le juge Renaud Van Ruymbek avait néanmoins acté un non-lieu ; non sans avoir exigé que Maître Gorrias s’engage à rendre les photos aux photographes. Il le fit partiellement pour Philippe Ledru et Dereck Hudson, mais pas pour Dominique Aubert. Personne ne sait pourquoi !
Après le « non-lieu » de Van Ruymbek, 2012, Maître Gorrias, au lieu de rendre ses photos à Aubert tente en vain une contre-attaque en lui réclamant 2 millions d’euros mais il est débouté. Par contre,en 2014, le tribunal de grande instante confirme les droits d’auteur de Dominique Aubert et reconnaît que « le liquidateur » n’a jamais répondu à ses demandes de restitution des clichés mais Maître Gorrias et la SCP BTSG font preuve d’une résistance persistante
Ainsi, après plus de vingt ans de procédure, Dominique Aubert se trouve toujours privé de l’accès et de l’exploitation de son œuvre, en dépit de multiples jugements en sa faveur. Ce conflit incarne à la fois la fragilité des droits des photographes et l’importance de la reconnaissance judiciaire face aux abus des grandes sociétés.
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