Inde.

Mourir pour des idées, pour la patrie, d’amour, de chagrin, de rire, de faim, de soif, d’envie, de sa belle mort mais mourir pour un selfie? Plutôt crever !

En Russie, une mère de famille est morte sous les yeux de son fils alors qu’elle essayait de prendre un selfie sur une tour juste après un saut à l’élastique réussi pour son anniversaire. Dans l’île de Milos en Grèce, une femme se photographiant est tombée à l’eau, elle s’est noyée en même temps que son mari qui avait plongé pour la secourir. Aux États-Unis, dans l’Utah, trois adolescentes américaines voulant se photographier avant le passage d’un train, on été tué par un autre arrivant en sens inverse. Un Mexicain de 21 ans, meurt après s’être accidentellement tiré une balle dans la tête en faisant un selfie avec une arme chargée. Un motard italien qui s’était arrêté pour prendre des photos et des selfies d’une maman ours et de ses oursons en Roumanie a été tué par l’animal. En Inde, une jeune mariée et trois membres de sa famille ont péri en se prenant en photo sur un barrage dans le Tamil Nadu.

On pourrait poursuivre longuement cette sinistre liste, car les exemples de cette mort ô combien stupide ne manquent pas. Les statistiques et les sources fiables sur le sujet sont peu nombreuses, mais la meilleure estimation disponible aujourd’hui vient de la «Global Death by Selfie Database » qui a recensé entre mars 2014 et juin 2024, 425 décès confirmés causés directement en prenant un selfie et 82 blessés dans des accidents survenus dans 49 pays. Les chiffres réels peuvent être un plus élevés, car certains cas ne sont jamais rapportés à cette pratique. La noyade et la chute sont les principales causes mortelles, suivies par les percussions par un train ou une voiture. Viennent ensuite les électrocutions, les rencontres avec des animaux sauvages ou pas, les accidents par arme à feu, etc. En toute logique, l’Inde, qui est à la fois le pays le plus peuplé au monde et qui compte le plus de smartphones par habitant, tient la plus haute marche du podium avec 190 morts (47% du total), suivi par les États-Unis (29 morts), la Russie (18 morts), le Pakistan (16 morts). Dans les trois-quarts des cas, les décès sont survenus chez des jeunes de moins de 25 ans et bien que les femmes prennent plus de selfies que les hommes, ce sont surtout ces derniers qui se mettent dans des situations à risque et paient le plus lourd tribut en termes de mortalité.

On notera également que nettement plus de gens meurent comme ça que tués par des requins. Il serait peut-être temps que Steven Spielberg reprenne la caméra pour tourner «  killfie » terme inventé par les anglophones, contraction des mots kill (tuer en anglais) et selfie. Dans la langue de Molière, on dirait « une grosse connerie ». Justement, l’hexagone n’est pas à l’abri du phénomène, des cas de décès liés à des selfies ont été rapportés dans la presse, notamment des chutes mortelles depuis des falaises ou des monuments. Bien qu’il n’y ait pas de statistique officielle pour le moment, le phénomène est réel et s’inscrit dans une tendance mondiale où la recherche de la photo spectaculaire à publier sur les réseaux sociaux peut conduire à des comportements à risque suivis de dénouements dramatiques. Quelques mesures timides (installation de panneaux « no selfie zone », barrières aux endroits dangereux ou campagne d’information) ont été prises pour que témérité ne rime pas avec morbidité mais pas sûr que cela soit suffisant pour juguler le problème tant l’attrait pour la surenchère hédoniste dans les réseaux sociaux peut être grand.

© Alexander Klink

 

Gilles Courtinat
Les derniers articles par Gilles Courtinat (tout voir)
Si cet article vous a intéressé...Faites un don !
Et pour ne rien louper, abonnez vous à 'DREDI notre lettre du vendredi