
À l’occasion des Rencontres d’Arles et de la parution de Désert, le nouveau livre de Raymond Depardon, la Fondation Cartier propose une conversation avec Raymond Depardon et Kamel Daoud animée par Stéphane Paoli, le mardi 8 juillet à 16h à l’École nationale supérieure de la photographie.
Le désert, les déserts, mais avant tout le premier désert pour Raymond Depardon c’est le Sahara. Il a 18 ans, il vient d’entrer comme pigiste et laborantin à la grande agence de presse de l’époque, l’agence Dalmas (1956 – 1967) dirigée par le marquis Melchior, Louis, Marie Dalmas de Polignac qui se fait appeler bourgeoisement Louis Dalmas (1920 – 2014) . Nous sommes à l’été 1960, en pleine « trente glorieuses » ces années de reconstruction de la France d’après-guerre, mais également en pleine guerre d’Algérie. Les aventuriers et les scientifiques se mêlent pour « découvrir » de nouvelles contrées : la haute montagne avec les alpinistes, le fonds des mers et la stratosphère avec les Picard, les Cousteau ; et, les volcans avec Haroun Tazieff etc.
SOS SAHARA

Un certain Robert Desroches monte une expédition, « SOS Sahara », pour tester la résistance humaine face à la chaleur du désert ! Curieuse initiative alors que la guerre d’Algérie bat encore son plein. Nous sommes deux ans avant l’indépendance ! Robert Desroches a semble-t-il de bonnes accointances avec l’armée française. On le retrouvera plus tard proche de l’OAS et même ami d’Albert Spagiari, le fameux braqueur de la Société Générale de Nice en 1976 et également ancien de l’OAS.
L’expédition est encadrée par un médecin le docteur Lambert, et des volontaires… Des cobayes ont été recrutés. Parmi eux deux journalistes : Michel Croce-Spinelli pigiste à France-Soir et François Roboth pigiste de l’agence Dalmas. Pourquoi Louis Dalmas décide-t-il de joindre à cette équipée le tout jeune Raymond Depardon, c’est encore un mystère. Mais une chose est certaine François Roboth et Raymond Depardon s’envole de Lyon pour Alger, puis l’équipe rassemblée et installée dans des camions de l’armée direction la zone de Colomb Bechard ou doit avoir lieu « l’expérience ».
Au sud de Colom-Béchar, les quatre camions s’arrêtent pour la nuit dans un poste militaire. Le lendemain quand ils repartent, « le capitaine commandant le poste d’Hammaguir était soucieux. Sept jeunes soldats avaient disparu depuis la veille à midi et n’étaient pas revenus…./… Si vous voyez quelque chose… Ce n’était pas un ordre, ni même une requête.[i] »
Aidé par un avion militaire qui a repéré un camion, la colonne qui s’est divisée en deux, arrive près du camion des naufragés.
« Soif, étouffement, la sueur me coule dans les yeux, je n’ai plus de salive. » raconte Conce-Spinelli « l’émotion plus encore que la soif dessèche la bouche. Nous sommes fascinés par ce point noir qui se rapproche, grossit, devient trois tôles ondulées disposées en auvent. Mais nous ne pouvons pas distinguer si quel que chose vit encore là-dessous. » Finalement « trois bouches grandes ouvertes, trois taches sombres d’où ne sort aucun cri, six yeux écarquillés qui nous fixent mais dont le regard est perdu. »
Trois de ces hommes seront sauvés, c’est eux que Raymond Depardon a photographié, quatre autres sont morts.
Ces premières photographies au Sahara vont marquer Raymond Depardon pour toute sa vie. Il racontera volontiers bien plus tard l’épisode ou un gradé de la Légion lui demandera ses films. Il racontera comment obéissant à l’ordre de Louis Dalmas : « on ne donne jamais ses films ». Il mentira avec l’aplomb de ses 18 ans. En fait, c’est François Roboth qui a déniché une enveloppe et posté les films via un militaire du contingent, selon son récit au téléphone en 2024.
A son retour, Raymond Depardon aura la joie de découvrir qu’il a fait la Une de France-Soir et de Paris Match. Scoop qui lui vaudra une place au staff de l’agence Dalmas et le début d’une longue carrière.
Bien sûr, plus tard il y aura son incroyable obstination à vouloir couvrir la rébellion du Frolinat au Tchad. Il faut se souvenir que quatre ans avant que l’ethnologue Françoise Claustre soit prise en otage par les rebelles, il a déjà monté une expédition en direction du Tibesti avec Gilles Caron(1939 -1970), Robert Pledge et le cameramanMichel Honorin. Un fiasco qui ne le découragera pas. Ce n’est qu’en 1975 qu’il réussira à filmer l’otage et à diffuser son reportage au journal de 20h de TF1 révélant au monde entier le calvaire de l’otage d’Hissen Habré. Mais c’est une longue histoire dont nous reparlerons.
Depardon n’aura de cesse d’arpenter des déserts, car dit-il, c’est au Sahara qu’il a découvert l’horizon. Une vision dont il est devenu addict.
Edité par la Fondation Cartier. Ce nouvel ouvrage retrace, en 250 reproductions en noir et blanc, 60 ans de reportages en spéculation, de commandes photographiques, de tournages cinématographiques et d’explorations personnelles de Raymond Depardon en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.
Pratique : Conversation avec Raymond Depardon et Kamel Daoudent en accès libre dans la limite des places disponibles Auditorium de l’Ecole nationale supérieure de photographie (30, Avenue Victor Hugo – 13200 Arles – 16h : Conversation et 17h : Signature du livre Désert.
Norz : [i] Citations et photos extrait de L’actuel, SOS Sahara par Croce-Spinelli et docteur Lambert – Ed. Flammarion 1961
- Raymond Depardon
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