Alors qu’on écrit encore, à longueur de colonnes, que le photojournalisme est mourant, les révolutions du monde arabe révèlent une nouvelle vague de photojournalistes. Le credo de Neus : On ne sait pas encore comment, mais c’est possible !
Au tout début de la révolution tunisienne, le vendredi 14 janvier dernier, Lucas Dolega est mortellement touché par une grenade lacrymogène tirée à bout portant par les policiers du régime de Ben Ali. Dix jours plus tard, au cimetière du Père Lachaise où on l’enterre, dans la foule présente, il y a peu de « vieux », et beaucoup de jeunes photographes.
Une génération Lucas Dolega Mebrouk ?
De Tunis au Caire, en passant par Benghazi, je découvre qu’ils signent bon nombre des photographies publiées par les quotidiens comme les hebdomadaires français et étrangers. Certains d’entres eux ont déjà été reconnus par les professionnels au festival Visa pour l’image de Perpignan, à celui du Scoop d’Angers, à Bayeux-Calvados et même au World Press. C’est le cas d’Olivier Laban-Mattei qui avec Arnaud Brunet et Jean-Luc Luyssen ont créé Neus Photos. A Paris, Elsa Dafour, rédactrice éditrice, assure le contact avec les magazines.
Deux des compères sont en ce moment sur le front libyen, côté « rebelles » évidemment, je leur ai demandé quelques photos pour les lecteurs de « A l’ œil ».
Vous ne voyez aujourd’hui que des images d’Olivier Laban-Mattei car il travaille en numérique tandis qu’Arnaud Brunet « fait » de l’argentique !
Sur le front entre Benghazi et Adjabiah
Je profite d’un petit créneau où internet fonctionne pour t’envoyer nos réponses à tes questions…
Question : Neus Photos s’est créée en février autour de trois photographes, et vous êtes déjà deux en Libye. Cela signifie-t-il que votre objectif est de « couvrir » le « hot news » ?
Les trois photographes de NEUS ont tous une solide expérience dans le « hot news », mais ont aussi envie d’approfondir les sujets qui leur tiennent à cœur. Les photos faites dans le cadre du « hot news » font partie de ces histoires. Le but principal de NEUS est de prendre le temps de raconter des histoires, au-delà des contraintes de transmission et de rapidité, ce qui n’empêche pas les photographes d’honorer leurs commandes respectives.
Le meilleur exemple est le sujet sur le Camp Aviation, fait par Olivier Laban-Mattei. Il est parti à Haïti sur du « hot news », puis NEUS a pris le relais pour produire ce projet plus personnel. On le propose ensuite aux magazines. Libres à eux de défendre ou non cette démarche. Ainsi la nouvelle revue « 6 mois » a apparemment apprécié notre travail et le publie sur 26 pages dans son 1er numéro.
Question : Olivier et vous, êtes-vous partis en Libye avec une garantie de publication ? Quelles sont vos publications ou vos espoirs de publications sur ce spot ? Comment vous financez-vous ?
Ici en Libye, les deux photographes travaillent en noir et blanc : Arnaud en argentique (en panoramique) et Olivier en numérique. Ce dernier diffuse régulièrement ses photos B&W sur le site. Son travail est donc visible en temps réel (http://www.neusphotos.com/index.php?page=news). NEUS a été créée pour aider les photographes à conserver une réelle indépendance de regard et de pensée. En Libye par exemple, elle assume et prend en charge tous les frais des deux photographes. Cela leur permet de prendre le temps de réfléchir aux photos qu’ils veulent vraiment faire.
L’idée est de proposer un reportage fourni, complet et personnel. Quelques magazines ou revues ont manifesté de l’intérêt pour notre démarche, sans pour autant nous financer. NEUS permet aux deux photographes d’être présents sur le front libyen et de travailler sereinement, sans contrainte, mais sans aucune garantie de publication. C’est une structure qui prend des risques avec et pour les photographes, une plateforme de mutualisation des compétences de chacun.
Financièrement, NEUS fonctionne comme n’importe quel petit artisan. Elle facture de la qualité au tarif de la qualité, que ce soit en presse ou en « corporate » ( ndlr : photographies pour les entreprises). Pour le moment et grâce à la collaboration de chacun (personne ne compte ses heures), cette petite aventure est viable financièrement, et peut encore se permettre de répondre aux photographes qui arrivent avec de bonnes idées.
Question : Comment définissez-vous Neus Photos ? Une agence ? Un collectif ? Un groupe informel ?
Le credo de NEUS : « On ne sait pas encore comment, mais c’est possible ! ». On tente, on parie, on s’engueule, on s’entraide … on joue, et ça marche. L’esprit d’aventure, le goût du risque et un brin de folie qui animent l’équipe de NEUS (et ce n’est pas que trois photographes) en font sa principale force. Ce qu’est NEUS, on l’écrit un peu tous les jours.
Michel Puech
Liens à suivre
www.neusphotos.com
www.6mois.fr
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