Grèves, occupations d’usine, séquestrations de cadres se multiplient dans toute la France de cette année 1972. « Mai 68 » n’est pas loin. Cette photographie prise par Jacques Gourmelen, photographe au quotidien Ouest-France va devenir une icône.
Le 6 avril 1972 à Saint-Brieuc, port des Côtes d’Armor, en Bretagne, la grève des ouvriers de la société du « Joint Français » s’éternise… Les forces de l’ordre interviennent.
Face à face, un ouvrier, Guy Burmieux et Jean-Yvon Antignac, un policier des Compagnies Républicaines de Sécurité (CRS). Jacques Gourmelen, l’auteur de la photographie, travaille à « la locale » de la ville pour le quotidien français au plus gros tirage : Ouest-France.
« J’ai pris cette photo à l’instinct. »
« Burniaux avait reconnu son pote et ancien camarade d’école. » a raconté le photographe à sa consoeur Véronique Constance. La journaliste de Ouest-France a réalisé un remarquable dossier pour le quarantième anniversaire de cette grève restée dans les mémoires ouvrières françaises.
« Je l’ai vu se diriger vers lui, le prendre par le col. Il pleurait de rage et lui disait : ‘Vas-y tape moi dessus pendant que tu y es.’ L’autre n’a pas bronché d’un poil ! » lui a confié Jacques Gourmelen.
« Je faisais partie du noyau dur des ouvriers révoltés. » a raconté à Ouest-France Guy Burmieux, l’ouvrier. « On avait des salaires de misère, on bossait 47 heures par semaine…/… Nous avons retenu les trois directeurs dans les locaux de l’Inspection du travail. On a passé la nuit là-bas, à boire café sur café. Le matin, l’ambiance était électrique. Après les policiers, les gardes mobiles, ce sont les gars de la CRS 13 qui ont déboulé. Là, j’ai reconnu Jean-Yvon ! Nous étions ensemble au lycée Curie. Boute-en-train de la classe, on était inséparables. »
« La photo du XXème siècle » pour les bretons »
« Si je devais en choisir une – parmi toutes les photos du livre La Bretagne des photographes- ce serait celle de Jacques Gourmelen. Pour moi, c’est la photo du siècle à l’échelle de la Bretagne. Son sens est très fort : c’est l’aspiration à la dignité.
Hélas, quelques mois après le quarantième anniversaire de cette prise de vue, Jacques Gourmelen est décédé. Ses obsèques ont eu lieu mercredi 30 mai 2012, en l’église Notre-Dame de Cesson à Saint-Brieuc. Condoléances à sa famille et ses amis. Et bravo à Ouest-France de faire vivre la mémoire des luttes et ce qu’il en reste : une icône pour la dignité des ouvriers.
Dernière révision le 23 janvier 2024 à 7:44 pm GMT+0100 par la rédaction
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