Du 2 au 8 septembre 2013, se tiendra à Perpignan la semaine professionnelle du festival de photojournalisme Visa pour l’image. Pour sa 25ème édition, Jean-François Leroy, le charismatique directeur du festival s’offre, et nous offre, la présence de Don McCullin, le légendaire reporter de guerre britannique.
Article publié dans le Club Mediapart
« Cela fait 24 ans que j’en rêve » dit Jean-François Leroy « et puis il y a deux ans McCullin m’a dit que j’exagérais de ne pas l’avoir invité ! C’était une blague. On est donc convenu de sa présence pour le 25ème anniversaire ». Grâce au travail de Robert Pledge, commissaire des expositions du reporter, on verra donc une grande rétrospective, la première en France. Perpignan peut être fière !
De plus, ce n’est pas une star du photojournalisme qui est invitée, mais deux ! Joao Silva, photographe portugais installé en Afrique du Sud et amputé des deux jambes après avoir sauté sur une mine en Afghanistan en octobre 2010, viendra lui aussi exposer une sélection de ses reportages parus dans le New York Times.
Le cœur de Visa battra à la Chapelle Saint-Dominique
24 autres expositions seront présentées cette année, soit un peu moins que l’an passé en raison d’un lieu en rénovation. Et puis, la Chapelle Saint-Dominique qui reçoit en général trois ou quatre expositions, sera dédiée à Monseigneur Don McCullin.
Abir Abdullah de l’agence EPA présentera un travail sur Dacca. Son reportage retenu par Jean-François Leroy avant la catastrophe qui a endeuillé le Bangladesh porte sur la lutte anti-incendie à Dacca où se fabriquent beaucoup de nos chaussettes et vêtements de marque. C’est tout l’art du « picture editor » que d’anticiper l’actualité. Bravo Leroy !
Sarah Caron, prix Canon de la femme photojournaliste 2012 exposera le travail réalisé grâce au prix de l’Association des femmes journalistes (AFJ). Sarah Caron est retournée une fois de plus dans ces zones très dangereuses du Pakistan où règnent les talibans.
Une dizaine de prix (Visa d’or news, magazine, presse quotidienne, wedoc…) et de bourses (Getty Images, Pierre et Alexandra Boulat…) seront de nouveau décernés, pour un montant total de plus de 155.000 euros, dont le Prix Rémi Ochlik du jeune reporter de la ville de Perpignan. Une moisson de chèques bienvenus pour les lauréats, surtout si le jury se penche attentivement sur la production de la jeunesse et prend un peu de risques dans ses choix. Du sang neuf bon sang ! Le photojournalisme a besoin de se tourner vers l’avenir.
Le Brésil sera à l’honneur en 2014 avec la Coupe du monde de football et en 2016 avec les Jeux Olympiques. Rafael Fabrés a enquêté sur les « Unités de Police Pacificatrice » qui luttent contre les trafics et la violence dans les favelas.
A voir également le travail de Muhammed Muheisen d’Associated Press. Une compilation de plus d’une décennie de couvertures des événements mondiaux. ..
Comme d’habitude, on ne s’ennuiera pas à Perpignan en septembre. Le programme complet sera en ligne sur le site de Visa pour l’image. Que les amateurs se dépêchent de réserver leur hébergement.
Outre les expositions déjà citées, il y a « Quelque part en France, été 1944 », l’exposition de photographies réalisées par John G. Morris de Contact Press Images. John G. Morris est le légendaire éditeur photo du magazine américain Life. Une autre star !
John G. Morris a notamment édité les reportages de Robert Capa et des autres photographes accrédités par le magazine. En été 1944, il rejoint les photographes en Normandie et fait quelques images dont peu sont connues. Une découverte passionnante pour ceux qui s’intéressent à cette période du photojournalisme.
25 ans mais pas tous ses stands
« La crise est une réalité avec laquelle on doit vivre au quotidien. On est vraiment dedans. Quand j’ai commencé Visa pour l’Image (en 1989), on connaissait plusieurs centaines de photographes qui vivaient décemment de leurs parutions dans la presse. Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui », déclare Jean-François Leroy à l’AFP.
« Hormis les photographes salariés d’AP, de l’AFP, de Reuters et les quelques privilégiés qui ont des contrats avec Time, avec le New York Times, avec le National Geographic, le métier se délite complètement. Les commandes sont en baisse, les journaux produisent de moins en moins », poursuit-il.
« Il n’y aura pas vraiment de fête pour ce 25ème anniversaire », a précisé lundi 13 mai Jean-François Leroy. « La fête c’est de réussir cette édition comme toutes les autres ». Soit. Et puis, pour tous les amoureux du photojournalisme, la rétrospective McCullin est une fête en soi !
Pourtant, je ne pense pas être le seul à avoir espéré une surprise lundi dernier lors de la conférence de presse parisienne. L’espoir n’était pas les flonflons ou la fiesta. Nous attendions des perspectives pour les années à venir…
Comme le répètent à longueur d’année les professionnels du secteur et Jean-François Leroy en particulier, la crise traversée par la presse, la révolution technologique et la mondialisation du marché ont totalement rebattu les cartes. Ce n’est pas un fait nouveau. Le déclin a commencé à la mi-temps des années 1990 et tout le monde était par terre à peine cinq ans après le début du nouveau siècle.
Dix ans ont passé Le nombre des stands professionnels du Palais des Congrès de Perpignan n’a cessé de baisser, tandis que le nombre des accrédités et surtout des visiteurs n’a cessé de croître ! Or, Visa pour l’image est généreux. Mises à part les accréditations des festivaliers qui sont payantes, toutes les expositions et conférences sont gratuites ! Chaque année, Jean-François Leroy fait des prouesses pour maintenir à flot le bateau. Mises à part les entreprises privées comme Canon ou les laboratoires photographiques, on ne peut pas dire que les pouvoirs publics l’aident beaucoup. Quelle que soit l’orientation du gouvernement, le Ministère de la Culture, n’a pas grand-chose dans sa besace hormis de bonnes paroles. Et il n’a pas pour Perpignan, la générosité qu’il a pour Arles. Loin s’en faut !
Cette année, rigueur oblige, la Région a même chichement supprimé la subvention qui permet de payer les autocars pour que les lycéens visitent avec leurs professeurs les expositions… Jean-François Leroy ne décolère pas : « Ce qui m’énerve, c’est qu’il s’agit d’une somme ridicule : 18 000 euros, ce sont les frais de bouche d’un conseiller régional ! »
Le grand paradoxe de Visa pour l’image c’est que la fréquentation du public augmente d’année en année, alors que la Presse comme les pouvoirs publics réduisent de plus en plus leurs financements du photojournalisme.
« Parlez-moi… » d’avenir
Résultat de ce bilan express, il en est pour s’interroger sur la pérennité de Visa pour l’image…
La première idée qui vient à l’esprit d’un festivalier amoureux de la photographie c’est qu’au lieu de critiquer à longueur de journée les nouveaux acteurs de la photographie, les Twitter, les Facebook, les Google et autres, Visa pour l’image pourrait peut-être se positionner comme une passerelle entre ce monde cybernétique et le monde artisanal et argentique.
Il serait bon que le milieu photojournalistique, surtout la vieille garde, cesse de considérer qu’ils ont été les derniers des Mohicans. Qu’ils arrêtent de dénigrer la production des jeunes « tous fous qui courent la guerre sans expérience » et « qui sont prêts à travailler à n’importe quel prix. » L’avenir ce sont eux : ces individualistes ou ces collectifs qui ont la même passion que leurs aînés pour la traque de « la bonne plaque ».
La pédagogie élémentaire consiste à ne pas taper sur la tête du jeune en lui répétant qu’il ne sait rien, mais à lui expliquer ce que l’on sait. Et aussi, à écouter ce que ces jeunes filles et ces jeunes gens ont à dire sur l’utilisation professionnelle des réseaux sociaux !
Jean-François Leroy a bien su faire venir au centre du monde, à Perpignan, les gens de Time, de Newsweek, de Stern, de Géo, du National Géographic… Il peut réussir à faire venir Twitter, Facebook et autres Google. Les hommes et les sociétés qui aujourd’hui, quoi qu’on en pense, sont les premiers canaux de transmission de l’information.
Je m’égare…
A bientôt à Perpignan !
Michel Puech
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