Trois semaines après la vente de Corbis à des financiers chinois alliés à Getty Images, des licenciements à Corbis France et des perspectives d’avenir peu claires pour les millions de photographies du fonds de l’agence de presse Sygma. Le point avec les précisions de Getty.
« Non ! Nous n’avons pas plus d’infos…» me répond un licencié parmi la dizaine de salariés de Corbis France, société propriété à 100% de Corbis Corporation, société américaine détenue à 100% par Bill Gates, et toujours impliquée par les plaintes de deux photographes pour dépôt de bilan « frauduleux » de l’agence de presse française Corbis-Sygma.
« Je préfère décliner toute idée d’entretien téléphonique. Je ne suis pas du tout à l’aise… » enchaîne un autre salarié tandis qu’un troisième répond « nous sommes dans l’attente de savoir dans quelles conditions nous allons partir. »
Depuis le lundi suivant l’annonce de la vente de Corbis le 23 janvier 2016, les téléphones de Corbis sont sur répondeur à Paris, comme à New York. Méthode américaine : annonce le vendredi soir. Les salariés ont le week-end pour comprendre qu’ils sont licenciés.
C’est un fait, Corbis France licencie tout son personnel comme nous l’annoncions la semaine passée. Les personnels de Corbis New York ont été également remerciés. La plupart des bureaux Corbis dans le monde sont sur répondeur, il est donc difficile de savoir le nombre total de suppression d’emplois.
Les millions de photographies,
les milliers de contrats de photographes passent de main en main, comme jadis les sacs de riz.
Qui s’en soucie ?
Pour les photographes de l’ancienne agence Sygma, rachetée en 1999 par Bill Gates, l’annonce de la vente de Corbis a été un véritable choc, même si les rumeurs de vente couraient depuis plusieurs mois. Stupéfaits, nombre de professionnels s’interrogent sur les répercussions sur le marché. De nombreuses agences représentaient Corbis dans le monde, et vont perdre une part non négligeable de leur chiffre d’affaires. Et ceci dans une période économique plus que tendue pour les professionnels de la photographie d’actualité et de reportage.
Les photographes les plus malins se sont tout de suite tournés vers Georges de Keerle qui supervise chez Getty Images les contributors. Ce dernier a d’ailleurs invité par mail et « sans engagement » un certain nombre de photographes de Corbis à discuter….
Il faut être « invité à rejoindre Getty », sinon les contrats Corbis sont gérés par l’acheteur de Corbis, Unity Glory, filiale de Visual China Group. Cours en Chine que je t’attrape….
Par courriel en date du lundi 8 février 2015, « l’équipe dirigeante de Getty Images » nous confirme que Getty entrera en contact « avec les détenteurs de droits sous accord de représentation actif avec Corbis, afin de leur proposer un contrat direct avec Getty Images. » Rien n’est répondu sur les conditions financières.
« Ces détenteurs ne seront en aucun cas obligés de signer avec Getty Images. Getty Images a le plus grand respect pour les photographes, le contenu et l’héritage de Sygma. Getty Images est heureux d’avoir l’occasion de représenter ces incroyables contenus. »
« Nous, Visual China Group et Getty Images, sommes convaincus que la distribution à l’échelle mondiale de Getty Images sera un atout précieux pour les photographes et la valorisation internationale de ces archives absolument uniques. » On ne sait si l’on doit faire cocorico ou meuh.
Question : est-il exact que les originaux des photographes (films, diapositives, tirages etc.) seraient rendus aux photographes en avril prochain comme la rumeur le dit ?
« Getty Images est en train d’évaluer les contenus, ainsi que ses contrats actifs de Sygma et statuera à partir de cette évaluation. L’intention de Getty Images reste de représenter les contenus de Sygma qui sont actuellement sous représentation active de Corbis. »
Les téléphones sonnent dans le vide chez Corbis, mais chez Getty on surveille attentivement les réseaux sociaux. Au lendemain de l’article « Getty en maître du monde », un tweet d’une consultante en communication me demande « quelles questions je souhaite poser à Getty ? »…
C’est ainsi que Craig Peters, SVP Ausiness Development, Product and Content chez Getty Images a répondu à notre question sur l’avenir de l’archivage à Garnay (Eure et Loir – France) de deux ou trois dizaines de millions de photographies :
« D’après les accords actuels, le stock va rester au même endroit. Getty Images va gérer ce lieu pour le compte de Unity Glory et VCG, en tant que propriétaire de Corbis.”.
Huit jours plus tard, à une deuxième série de questions sur le sujet, « l’équipe dirigeante de Getty Images » me répond :
« Il est important de noter qu’à travers l’acquisition de Corbis, Visual China Group (VCG) obtient uniquement les droits de distribution des contenus de Sygma effectivement représentés par Corbis à la date de la transaction. Concernant ces contenus, VCG va maintenir les archives parisiennes existantes de Sygma. Getty Images a accepté de gérer ces activités, de superviser les actifs physiques pour le compte de VCG et d’en assurer la distribution partout hors de Chine. »
Dans le hangar de la société Locarchives à Garnay, il y a deux catégories de photographies.
D’une part, celles appartenant en toute propriété à Corbis (par exemple : les archives d’agences anciennes ou de photographes qui ont vendu leurs archives), ou celles sous contrat de droit américain avec Corbis Corporation soit la production d’un millier de photographes de Sygma qui constitue le butin que les Corbis bad’guys ont réussi habilement à sortir de l’agence de presse Corbis-Sygma avant de déposer le bilan en 2010.
La production de 6000 autres sources, photographes professionnels ou correspondants occasionnels de l’agence Sygma, soit quelques dizaines de millions d’images ne sont pas dans la main de Corbis, (donc non concernées par la vente) mais dans celle de Maître Gorrias, administrateur chargé de la liquidation de Corbis-Sygma par le tribunal de commerce.
A leur propos, « l’équipe dirigeante de Getty Images » précise :
« Tout contenu n’étant pas sous représentation active de Corbis est exclu de cette vente et n’est pas représenté par VCG ou Getty Images. Ces contenus restent gérés par le liquidateur en lien avec la liquidation initiée par Corbis en 2010. Bien que ces images soient localisées au même endroit que les archives de Sygma à Paris, elles sont clairement distinctes des images activement représentées par Corbis et demeurent sous le contrôle du liquidateur appointé par la cour Maître Gorrias. »
Cela va de soit, sauf que l’hébergement de ces images qui représentent un volume plus important que celui géré par Corbis Corporation, reste mystérieux. Qui paie Locarchives ? Que va faire l’injoignable Maître Gorrias, administrateur chargé de la liquidation de ces archives comportant inévitablement des clichés historiques ? L’onde de choc de cession de Corbis n’a pas fini de parcourir le monde de la photographie.
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Affaire Corbis-Sygma
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