L’œuvre photographique du photojournaliste Gilles Caron (1939 – 1970), soit l’ensemble des films négatifs NB et couleur réalisés entre 1965 et 1970, devrait rejoindre prochainement la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine grâce à un legs de la famille du photographe.
« Mesdames et messieurs, chers amis, j’ai le privilège de vous annoncer que l’ensemble de l’œuvre de Gilles Caron va rentrer à la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine et rejoindre les collections publiques, grâce à une donation. Au nom de la Nation, je veux remercier Marianne Caron-Montely pour cette donation. C’est un legs immense. C’est un geste d’une infinie générosité. Un geste qui en dit long sur vos valeurs, chère madame, sur votre sens du partage. Un geste qui vient prolonger tous vos mérites, tous vos combats, tous vos engagements, des engagements qui vous valent, aujourd’hui, la reconnaissance de notre pays. » a déclaré Franck Riester, Ministre de la Culture, à l’occasion de l’ouverture des 50e Rencontres d’Arles, le lundi 1er juillet 2019.
Gilles Caron a photographié l’actualité française et internationale de 1965 à 1970 pour l’agence de presse APIS où il ne restera qu’un an. Il devient ami avec Raymond Depardon alors photographe à l’agence Dalmas. Ce dernier le recrute en 1967 pour l’agence Gamma dont il devient associé fondateur, agence pour laquelle il va faire l’essentiel de ses reportages jusqu’à sa disparition au Cambodge.
L’œuvre de Gilles Caron se compose actuellement de 2408 négatifs 24×36 selon Louis Bachelot directeur de la Fondation Gilles Caron. Il semble que tous les films et tirages du photographe ne soient pas encore en possession de la famille.
L’agence Gamma a assuré la diffusion de 1967 à 1990. Ensuite c’est Contact Press Images, l’agence américaine de Robert Pledge, qui s’en est occupée jusqu’en 2013. En 2014, François Lochon le patron de Gamma-Rapho a obtenu la diffusion du fonds moyennant une garantie mensuelle de 3000€ versée à la Fondation. Ce généreux accord a pris fin en 2017 au profit de la société Clermes, une société de relation publique. La Galerie Castaing assurant pour sa part la vente des tirages de collection.
Comme fréquemment avec les politiques, l’annonce faite à Arles par le ministre précède un peu les faits. « Rien n’est encore signé. Un legs c’est compliqué.» confie Louis Bachelot le directeur de la Fondation Gilles Caron, président de l’Association Gilles Caron et époux de Marjolaine Caron, l’une des deux filles du photographe.
Ce qui n’est pas encore finalisé c’est un accord « très intéressant » selon l’historien de la photographie Michel Poivert qui a travaillé pendant des années sur l’œuvre du photographe et fût le commissaire d’une très belle exposition à l’Hôtel de Ville de Paris et l’auteur d’un livre de référence aux éditions Photosynthèses/Musée de l’Elysée.
Au terme de cet accord les négatifs de Gilles Caron rejoindraient le Fort de Saint-Cyr à Montigny-le-Bretonneux (Yvelines). Rattaché à la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, il est l’un des centres les plus important en Europe pour la conservation des films. Mais ce qui est intéressant selon Michel Poivert c’est que l’Association Gilles Caron garderait la possibilité de valoriser l’œuvre par des expositions, et des ouvrages. Elle conserverait également la possibilité de faire réaliser des tirages argentiques exclusivement par le laboratoire de Diamantino Quintas qui a réalisé jusqu’alors toutes les expositions présentées à Lausanne, Charleroi et Paris.
« Il fallait trouver une solution » confie le tireur-filtreur Diamantino Quintas, un expert de l’art. « Je ne peux pas continuer à héberger des négatifs aussi importants ». C’est également son laboratoire qui devrait numériser 70 000 images du photographe pour lequel il s’est récemment équipé dans son nouveau laboratoire à Bagnolet.
« Cet accord pourrait intéresser beaucoup de monde » dit Michel Poivert. En effet, chacun sait dans le milieu de la photographie que l’Etat conserve bien, mais valorise mal. L’agence de la Réunion des Musées Nationaux n’a pas très bonne presse dans les milieux de la photo. On la juge peu efficace, trop chère pour les publications et les éditeurs et peu réactive à l’actualité.
Si on en juge la commercialisation de l’œuvre de Willy Ronis pour le cinquantenaire de « Mai 68 », on est tenté de donner corps à la rumeur. Qui plus est, bien que le tireur-filtreur de Willy Ronis soit encore en vie, les tirages actuels pour des expositions sont réalisés en numérique d’après les scans… « On perd une partie de l’œuvre avec des gris ou des cadrages qui ne sont plus ceux du photographe » précise Diamantino Quintas. L’homme se lamente de n’avoir aucune aide pour continuer à former de jeunes tireurs-filtreurs. « Il faut dix ans pour faire un bon tireur, pour qu’il connaisse bien une œuvre».
Ce nouveau deal entre l’Etat et les auteurs ou leurs ayants-droit, s’il se concrétise, ouvrira des perspectives pour accueillir nombre d’archives de photojournalistes du XXème siècle.
Michel Puech
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