Un rétrospective de l’oeuvre exposée du 23 septembre 2022 au 8 janvier 2023, à la Maison de la Photographie Robert Doisneau à Gentilly, vernissage le jeudi 22 septembre 2022 à 18h et de nombreux autres évènements.
Les femmes photographes sont à l’honneur en ce moment. On découvre, ou redécouvre, que l’histoire de la photographie, du photojournalisme également, a souvent, très souvent, été l’œuvre de femmes. Certaines, et, certains, oublient un peu vite Margaret Bourke-White, Gerda Taro, Catherine Leroy, Christine Spengler ou Martine Franck ; pour ne citer que celles-ci parmi tant d’autres.
Si les Hongrois, les hommes, sont souvent cités dans l’histoire de la photographie de presse, Ergy Landau l’était rarement. Son nom ne disait plus grand-chose à la plupart des photographes ou des amateurs de photographie, et, pourtant quelle carrière, quel destin !
« Le hasard a voulu qu’au cours de vacances en montagne en 1928, ma famille fasse la connaissance d’une vieille dame (elle avait 32 ans quand j’en avais 17) qui se promenait avec sur le ventre une petite boîte minuscule dans laquelle on voyait la photo dans la dimension du négatif : le premier Rolleiflex importé en France par Ergy Landau, une photographe professionnelle hongroise, établie en France depuis 1923 et en relation avec Moholy Nagy et le Bauhaus. Pour un enfant rebuté par les 9×12 Kodak et les négatifs toujours flous et sous-exposés, c’était fascinant. » a écrit Raymond Grosset dans des souvenirs que nous avons publiés en mars 2010, quand l’agence Rapho a été prise dans la faillite de Hachette Filipacchi Medias connu sous le nom d’Affaire Eyedea.
La renaissance de Rapho
Dans ce même document, Raymond Grosset raconte la renaissance de Rapho après la Libération.
« Je retrouvais la vie en France avec un certain plaisir, mais en étranger ! Comme ces américains désargentés appréciant la convivialité de la rue de la Huchette. Tous mes amis d’avant guerre s’étaient dispersés, l’un vivait à Barcelone, les autres comme Ylla à New York. Seule restait à Paris Ergy Landau, qui, photographe hongroise, juive, se refusant à porter l’étoile jaune, avait par miracle survécu sans être dénoncée. C’est elle qui en novembre 1945, très amie avec le directeur du quotidien Franc-Tireur, me proposa de rouvrir l’Agence de Photo Rapho que Charles Rado avait ouverte en 1933 à Paris. »
Autant dire qu’Ergy Landau a été un pilier de l’agence photographique Rapho, avec laquelle elle a collaboré toute sa vie après son départ de Hongrie et jusqu’à sa mort. Rapho a d’ailleurs édité un poster, qui, offert par Mark Grosset, trône au-dessus de mon lit, avec cette photo « Assia endormie » de 1930 qui m’a toujours inspiré sans que je sache grand-chose sur la vie et l’œuvre d’Ergy Landau. La même photographie a été utilisée pour le film Rapho, histoire d’une famille de Frédéric Mitterrand et Patrick Jeudy (1987) et reprise également en couverture du livre Tous désirs confondus, livre de Frédéric Mitterrand édité chez Actes Sud.
Nous reviendrons sur la carrière d’Ergy Landau à l’occasion de la publication du remarquable ouvrage de Laurence Le Guen et David Martens : Ergy Landau, une vie de photographe 1896-1967 édité par Le Bec en l’air à l’occasion de l’exposition. La vie d’Ergy Landau a été une folle aventure à l’instar de celle vécue par nombre de migrants d’Europe de l’est fuyant le fascisme. Une vie durant laquelle elle est restée fidèle à ses amis, à Raymond Grosset en particulier.
« Lorsqu’Ergy Landau tombera d’un autobus à Paris et restera hémiplégique jusqu’à son décès, deux ans plus tard en 1967, ce sont les amis de l’agence Rapho qui lui viennent en aide, Raymond Grosset en tête. » écrit Laurence Le Guen dans son ouvrage. « Ils se cotisent pour l’aider à survivre économiquement alors qu’elle ne peut plus travailler et que ses photographies peinent désormais à se vendre faute de nouveautés, pour engager des infirmières, se relayer à son chevet et, enfin, pour régler ses obsèques. »
Et Kathleen Grosset, l’une des commissaires de l’exposition à la Maison de la Photographie Robert Doisneau, fille de Raymond, écrit dans l’ouvrage :
« Sans cette rencontre, mon père n’aurait pas rouvert l’agence Rapho en 1945 et sans cette rencontre, mon père et ma mère ne se seraient pas connus… C’est vous dire si Ergy Landau est importante pour nous, et je ne parle pas de sa photographie. Enfants, nous allions régulièrement chez elle pour des séances photo et j’ai encore en mémoire le timbre grave de sa voix et la vision de ses fume-cigarette. Je me souviens de la dernière visite ; elle était chez elle, allongée dans son lit, immobile dans ses draps blancs, mais sa voix était la même. »
MP
Parallèlement à l’exposition présentée à la Maison de la Photographie Robert Doisneau à Gentilly (94), plusieurs évènements :
- L’association des Amis d’Ergy Landau récemment créée, va restaurer la sépulture de la photographe au cimetière de Bagneux (92220).
- Une plaque commémorative sera apposée, rue Scheffer, Paris XVIe, sur la façade de l’immeuble où se trouvait le studio d’Ergy Landau.
- Une exposition en ligne Ergy Landau à livre ouvert sur
- L’exposition « Paris dans l’objectif d’Ergy Landau » à la Mairie du XVIe arrondissement de Paris du 8 décembre 2022 au 8 janvier 2023.
Exposition
Ergy Landau 1896 – 1967 du 23 septembre 2022 – 8 janvier 2023 – Vernissage Jeudi 22 septembre 2022 à 18h
Commissariat : Kathleen Grosset, Laurence Le Guen et David Martens – Exposition organisée avec la collaboration de l’Association des Amis d’Ergy Landau
Ouverture du mercredi au vendredi 13h30 – 18h30 samedi et dimanche 13h30 – 19h, fermeture les lundis, mardis et jours fériés – entrée libre
La Maison de la Photographie Robert Doisneau
maisondoisneau.grandorlyseinebievre.fr
1 rue de la Division du Général Leclerc
94250 GENTILLY
RER B, station Gentilly Bus n° 57, V5, arrêt Division Leclerc Bus n° 125, arrêt Mairie de Gentilly Tramway T3, arrêt Stade Charléty Périphérique, Sortie Pte de GentillyDernière révision le 9 octobre 2024 à 9:56 am GMT+0100 par
- Pierre Christin
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