L’association de l’Œil en Seyne, accueille à la Villa Tamaris du 17 juin au 17 septembre 2023, l’exposition Willy Ronis par Willy Ronis, exposition créée à Paris en 2018 mais, en y ajoutant quelques photos inédites prises en Provence Cote-d’Azur.
A la fin de sa vie Willy Ronis s’est plongé dans son fonds photographique pour sélectionner les images qu’il consièrait alors comme son « testament photographique ». À l’initiative des exécuteurs testamentaires et détenteurs du droit moral sur son œuvre : Jean Guerry, Daniel Karlin, Roland Rappaport et Gérard Uféras ; une exposition est organisée en 2018 avec la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine (MAP) et la mairie du 20eme arrondissement de Paris par les photographes et amis Gérard Uféras et Jean-Claude Gautrand. C’est cette exposition que l’on peut voir dans le cadre enchanteur de la Villa Tamaris qui domine la rade de Toulon.
Willy Ronis était né au début du siècle dernier, en août 1910 et il fut le dernier vivant de cette vague de photo reporters qualifiés d’humanistes. Un nom qu’il méritait bien, tant sa courtoisie et sa gentillesse qui frappaient ceux qui le rencontraient.
Il marchait et photographiait encore quand en 2002, je l’ait rencontré au « pot » de départ de Mark Grosset, alors directeur de l’agence Rapho, « démissionné » par un énarque de service du groupe Hachette Filipacchi. « Comment ne serais-je pas là ? » m’avait-il dit. Il avait rejoint l’agence Rapho à la fin des années 40 et était un ami de la famille Grosset dont Raymond, le père, avait relancé l’agence en 1945 avec Ergy Landau, Brassai et Robert Doisneau entre-autres.
Son premier appareil photo, Willy Ronis le prend en main en 1926 et commence à photographier Paris. Il faut dire que son père d’origine russe a un petit studio de photographe de quartier. Il y travaille, sans aucun enthousiasme, à partir de 1932. Mais le portrait en studio n’est pas son affaire. La photographie non plus d’ailleurs ! A la mort de son père en 1936, il devient photographe illustrateur indépendant et « couvre » les conflits sociaux. C’est l’année de sa première parution dans Regards, un magazine proche du PCF concurrent du célèbre Vu de Lucien Vogel.
Le voilà photographe, un peu malgré lui, mais content de pouvoir par cet exercice rencontrer des gens et découvrir des paysages. Il photographie la montagne qu’il aime – en particulier les Vosges et les Alpes – et les nuits de Paris qui donnent lieu à sa première exposition à la Gare de l’Est. En 1937, il achète un Rolleiflex, se lie d’amitié avec Robert Capa et Chim. Photos sociales mais aussi reportages touristiques l’amènent en Grèce, en Yougoslavie, en Albanie…
D’origine juive de père russe, et de mère lithuanienne, « avec la promulgation des premières lois antisémites il doit renoncer a ses activités de photographe ; En décembre il travaille la nuit comme manœuvre dans une minoterie. En juin 1941 à Loches, il passe la ligne de démarcation dans des conditions difficiles et manque d’être arrêté. La douzaine de personnes qui l’accompagne est interceptée par une patrouille allemande. Plus jeune, plus rapide, il s’enfuit. Il est le seul à ne pas être arrêté. Planqué, il voit les Allemands repartir avec sa bicyclette, il a perdu son sac, mais il est libre. Il vit d’expédients sur la Cote d’Azur passant de la tournée théâtrale avec la bande à Prévert au studio de Sam Levin à Toulon. [1]»
Un temps réfugié à Nice Ronis s’emploie comme aide décorateur aux studios de cinéma de la Victorine, puis peint des bijoux avec Marie-Anne qu’il épouse en 1946 et dont le « nu provençal » deviendra une icône.
Revenu à Paris en 1944, il travaille pour Point de Vue, L’Ecran français, Regards, L’Illustration, Le Monde Illustré, tout en réalisant des commandes notamment pour Air France. Membre de l’agence Rapho depuis 1946, les années 50 le voient travailler pour Vogue. En 1953 première exposition au Musée d’Art Moderne de New York avec Brassaï, Doisneau et Izis. La Biennale de Venise de 1957 le consacre. Il a également une activité d’enseignant aux écoles IDEEC, Estienne, Vaugirard et publie en 1951 aux éditions Montel Photo Reportage et chasse aux images, dont il écrit le texte et qu’il illustre de ses photographies. Cet opuscule sera également édité en italien sous le titre Il manuale del perfetto fotoreporter.[2]
En 2002, alors qu’une signature de son dernier livre avait été organisée pour le personnel de l’agence Rapho, j’avais choisi de lui faire dédicacer ce petit fascicule, trésor de ma bibliothèque que j’avais déniché grâce à Jean-Louis Rochereau, un bouquiniste passionné. En voyant l’objet Willy Ronis avait levé les bras en l’air : « Ça alors ! » Et le prenant en main il me dit « il est en meilleur état que le mien » avant d’écrire la dédicace suivante : « A Michel, cette vieillerie restée chère à mon cœur. »
Les années 60 le voient exposer au Musée des Arts Décoratifs à Paris avec Doisneau, Frasnay, Lattès, Pic et Janine Niepce. Il part en reportage pour Alger sur le premier Festival panafricain et dans les pays de l’Est : Berlin-Est, Prague, Moscou. Il quitte en 1972 Paris pour Gordes puis l’Isle-sur-la-Sorgue dans le Vaucluse.
Bien qu’il reçoive le prix Nadar en 1981 pour son album Sur le Fil du Hasard et qu’il soit exposé de nombreuses fois, la fin des années 1970 et les années 1980 sont financièrement très difficiles pour Willy Ronis qui vit en Provence. En 1983 il réalise un acte important et aux conséquences multiples : il fait donation de son œuvre au ministère de la Culture français avec effet post-mortem. Cette donation va lui permettre d’obtenir un petit appartement pour revenir s’installer à Paris.
Pour un photographe « ce sont les 70 premières années les plus difficiles » avait l’habitude de dire en substance Robert Doisneau. A partir des années 1990, la situation de Willy Ronis s’améliore en même temps que l’âge le rejoint. Il continuera à travailler jusqu’en 2005, où il fera en septembre une émouvante exposition à la galerie Camera Obscura de nus féminins, ses dernières prises de vue.
Très gêné pour se déplacer, il raccroche alors ses boitiers. Diminué physiquement par une insuffisance rénale, il garde une vivacité d’esprit et une mémoire étonnante. En 2009, pour son exposition rétrospective à Arles, Hervé Hudry son tireur racontait : « Comme d’habitude je suis allé chez lui chercher les négatifs Alors que je lui montrais une épreuve de petit format pour qu’il m’indique où trouver le négatif, il regarda le numéro de référence et me dit : c’est une erreur, elle n’a pas ce numéro. … Et, il avait raison. ». Le 11 septembre de la même année à 99 ans, Willy Ronis décédait.
Exposition
Willy Ronis par Willy Ronis à la Villa Tamaris, centre d’art
Du 17 juin au 17 septembre 2023
295 avenue de la Grande Maison 83500 La Seyne-sur-mer
du mercredi au dimanche de 13h30 à 18h30, sauf jours fériés. Entrée libre.
Tous nos articles concernant Willy Ronis
Notes
- [1] Françoise Denoyelle – « La photographie d’actualité et de propagande sous le régime de Vichy – Editions du CNRS Histoire – EAN : 9782271061317 – Date de parution : 29/05/2003
- [2] Ed. Quinti – 1953
Dernière révision le 8 octobre 2024 à 6:41 pm GMT+0100 par
- Pierre Christin
Le scénariste de BD fut aussi
directeur de l’école de journalisme de Bordeaux - 11 octobre 2024 - Ah l’œil …
Des « visions fantômes » de Charles Bonnet à l’IA - 4 octobre 2024 - Yan Morvan (1954 – 2024)
La mort d’un immense provocateur génial - 27 septembre 2024