Michel Nouaillas, journaliste, ancien chef du service photo de l’AFP est décédé le 19 janvier 2024. Lors de la cérémonie en l’Eglise de Sagnat (Creuse) le 25 janvier 2024, son fils Olivier Nouaillas, journaliste à La Vie, à lu un texte qu’il nous a confié. Nous en publions ici des extraits avec son accord. L’œil de l’info le remercie et lui adresse les sincères condoléances de la rédaction.
Creuse, Sagnat le jeudi 25 janvier 2024
Papa, mon cher Papa
Nous voici tous et toutes réunis autour de toi dans cette vieille église de Sagnat que tu aimais tant, pour te dire un dernier adieu. Que chacun et chacune, selon sa croyance, ses prières ou ses pensées, pourra exprimer en un seul mot : (adieu) ou en deux mots (A Dieu…)
De fait, c’est au moins le quatrième discours que tu m‘obliges en quelque sorte à t’adresser. La première fois, tu t’en souviens certainement, ce fut au début des années 90 pour ton départ en retraite de l’Agence France Presse après 37 ans de bons et loyaux services.
Le deuxième fois ce fut à Paris et aussi en Creuse en 2001 pour tes noces d’or avec maman…/…
La troisième fois ce fut en 2017, pas loin d’ici, à Dun Le Palestel, à l’hôtel Joly, pour fêter tes 90 ans avec … un an d’avance. J’avoue que je n’ai pas encore bien compris pourquoi. Peut-être la peur d’être privé, comme dans la chanson de Jacques Brel, de « ton dernier repas », toi qui a toujours adoré les restaurants. On n’est jamais trop prudent…
Et puis, maintenant, aujourd’hui, ce quatrième discours, peut être le plus difficile, parce qu’il s’agit d’honorer ta mémoire une dernière fois. ../…
Mais, franchement papa, je n’ai pas envie d’être triste. D’abord et avant tout, parce que tu as eu une belle vie. Tu le disais d’ailleurs toi-même.
Avec ton métier de journaliste – toi qui a commencé comme peintre en bâtiment dans l’entreprise de ton père – tu as parcouru le monde entier et connu l’âge d’or des trente glorieuses, celui du progrès qu’on croyait, un peu naïvement, infini. Enfant, puis adolescent, j’étais ainsi si fier de montrer à mes copains d’école les cartes postales que tu m’envoyais des villes qui accueillaient les Jeux Olympiques auxquels tu as tous assisté : Tokyo, Mexico, Sapporo, Los Angeles, etc… Tu adorais cette vie de directeur du service photographique de l’AFP, aussi bien tes relations de travail avec tes collégues photographes – pas toujours si faciles – et les relations nouées avec les journaux français de toute tendance (de l’Humanité au Figaro), en un mot l’information vérifiée, sourcée, pluraliste. Tout le contraire de ce qui se pratique de plus en plus aujourd’hui avec les fausses nouvelles et les polémiques stériles diffusées trop souvent sur Internet et les réseaux dits sociaux.
Et puis, la retraite venue, tu es revenu en Creuse. Dans la maison familiale de Beauvais, celle de tes parents, oncle et tante et grands parents. Entouré d’arbres, ceux de ton jardin et du bois de Chabannes, de champs et de nos braves vaches limousines. Quel changement après l’atmosphère trépidante et bruyante du boulevard de Strasbourg, près de la gare de l’Est où tu avais vécu avec maman pendant plus 40 ans.
Mais tu ne t’ennuyais pas à Beauvais. Tu étais heureux dans ta maison. Entouré de tes très nombreux livres – notamment ceux de ton cher Général de Gaulle. Avec l’Appel du 18 juin, dont l’affiche t’a toujours suivi de ton bureau du boulevard de Strasbourg à la salle à manger de Beauvais, et les nombreuses biographies consacrées au fondateur de la Ve République, ta maison est quasiment devenu une annexe de Colombey les Deux Eglises…
Heureux, grâce à tes disques, ceux de Brel, Ferré, Brassens, Barbara… que tu écoutais avec un fort volume sonore. …/…
Heureux aussi grâce à ta participation aux nombreuses associations locales : Danses et Traditions du pays dunois (la Payolle), l’Entente Cordiale et puis, bien sur Brézentine Environnement, dont tu as partagé tous les combats, attaché que tu étais à notre belle rivière.
Et puis il y avait aussi les voyages à Oléron, le marché de Dun du jeudi et ses huitres, les petits et les grands restaurants que tu continuais à fréquenter assidument. Avec parfois quelque excès. Mais bon, ce n’est pas aujourd’hui que je vais te faire des reproches… Avec aussi cette question que tu m’as souvent posé ces derniers mois : « Mais quand est-ce que rouvre la Commerce ? ». C’était en effet ta cantine, où tu avais à la fois tes habitudes et tes amitiés. Avec tous ceux et toutes celles – et ils sont nombreux ici – qui t’appelaient affectueusement « Michel ». …/…
Mais, ne soyons pas triste. Tu ne le voudrais pas.
D’ailleurs, peu de temps avant ton décès, tu as reçu par la poste ta carte de presse honoraire. Je l’ai fait mettre dans ton cercueil dans la poche de ton beau costume. E
lle porte le N° 13 894, et j’ai regardé attentivement : elle est valable jusqu’au 31 décembre 2029. Cela veut dire que pour la commission de la carte, tu seras journaliste au moins jusqu’à 101 ans ! Et qui sait Papa, peut-être qu’il y a des journaux, là haut dans le Ciel…
Olivier Nouaillas
Dernière révision le 8 février 2024 à 10:10 pm GMT+0100 par la rédaction