Expositions

Robert Capa
A Deauville, Bob et ses deux Normandie

France, Deauville, mai 2024 – Exposition « Robert Capa Icône ». Montage L’oeil de l’info avec © Robert Capa / International Center of Photography / Magnum Photo

A l’occasion de l’anniversaire du  6 juin 1944, et des 70 ans de la mort de Robert Capa, Deauville lui rend un vibrant hommage  à travers une exposition intitulée « Robert Capa icônes ».  Le commissaire Michel Lefebvre expose des « vintages », des objets, dont un Leica, et ses deux Normandie, celle des N&B et celle des couleurs.

France, Deauville, mai 2024 – Exposition « Robert Capa Icone » – Photo Daniel Psenny

Au premier étage du magnifique bâtiment des Franciscaines de Deauville occupé jusqu’en 2012 par les sœurs de la communauté Notre-Dame de la Pitié et transformé, depuis 2021, en un centre multi culturel, Michel Lefebvre, journaliste au « Monde, collectionneur et commissaire de l’exposition a rassemblé près de 150 tirages photos originaux vintage, journaux, livres et objets ayant appartenu à Robert Capa (Endre Erno Friedmann de son vrai nom). En plus des photos, on y trouve également un de ses Leica, sa machine à écrire Remington portative ou son permis de conduire  provenant principalement de la collection Golda Darty et des archives de l’agence Magnum Photos, cofondée par Capa à New York en 1947.

France, Deauville, mai 2024 – Exposition « Robert Capa Icone » -© Robert Capa / International Center of Photography / Magnum Photo

« J’ai choisi d’exposer les tirages originaux tels qu’ils avaient été réalisés à l’époque après le développement des pellicules », explique Michel Lefebvre. « Ce sont des photos vivantes où l’on peut y voir les rayures du négatif et même des taches, mais également les annotations et les recadrages décidés par  les secrétaires de rédactions au dos des photos avant leurs publications dans les journaux ». Ainsi, le visiteur peut admirer (ou revoir) sous un autre angle les photos iconiques de Robert Capa comme, par exemple, celle controversée du Falling soldier prise en 1936 pendant la guerre d’Espagne tamponnée au nom de l’agence Pacific Ilustration avec les indications aux crayons noirs ou bleus destinés aux metteurs en page de l’époque. « Une photo est une interprétation de la réalité, un point de vue que le photographe a choisi pour témoigner mais c’est aussi un objet physique », poursuit le journaliste. « Il est vrai que le tirage argentique apparaît aujourd’hui presque préhistorique mais, en garder une trace est une mission patrimoniale ».

Bien que l’on croit avoir tout vu de l’œuvre de Capa, chaque exposition amène son lot de tirages inédits récupérés dans les boîtes d’archives de Magnum et dans les tiroirs de l’International Center of Photography (ICP) fondée à New York par Cornell Capa (1918-2008) pour rassembler et conserver les 70 000 négatifs qui composent l’œuvre photographique de son frère. A travers les différentes étapes de l’exposition, on découvre de nouvelles photos jugées, peut-être à l’époque, anecdotiques mais qui prennent tout leur sens en les replaçant dans le cadre des reportages réalisés par Capa.

« Il a couvert cinq guerres, Espagne, Chine, Seconde Guerre mondiale, Israël, Indochine, et en a chaque fois ramené les meilleures images, celles qui comptent et qui restent dans l’histoire. L’ensemble des photos, même les moins connues, permet aussi de comprendre son univers », dit Michel Lefebvre.

Présent pour le vernissage de l’exposition le 25 mai, Raymond Depardon, membre de l’agence Magnum, souligne « la qualité des cadrages » des photos de Capa.

« Il était précis et efficace. Il faut se rappeler qu’à l’époque, il n’avait pas la possibilité de réaliser des dizaines de photos par manque de pellicule », souligne Depardon. « On a même l’impression que Capa cadrait ses photos en pensant immédiatement à leur impression dans les journaux », poursuit Michel Lefebvre.

Mais cette exposition où l’on croise Hemingway, Kessel, Picasso et Gerda Taro – sa compagne qui lui a trouvé son nom de Robert Capa -, ne montre pas seulement les photos en noir et blanc qui ont fait la renommée de Capa. Elle permet également de découvrir ses reportages en couleurs réalisés après guerre pour différents magazines américains dans les lieux de villégiature pour riches comme Deauville, Biarritz ou les Alpes. « C’était l’occasion pour Capa de se faire payer un mois de vacances dans des endroits de rêve où, entre deux photos, il pouvait profiter de la vie  en jouant aux courses, au casino et charmer les femmes », explique Michel Lefebvre.

C’est en 1951 que le magazine américain Holiday (un million de lecteurs) lui commande un reportage sur Deauville, à l’époque l’une des destinations les plus en vue et les plus populaires de France. Capa le flambeur qui tire toujours le diable par la queue, s’y trouve comme un poisson dans l’eau. Il y réalise une centaine de photos aujourd’hui archivées à l’ICP et dont vingt trois d’entre elles ont déjà été exposées sur les planches de Deauville en 2021.

Chargé également de rédiger l’article, Capa dresse surtout un portrait social de cette ville d’ultra riches vivants hors du temps. En plus de son regard de photographe, il s’y révèle aussi comme un grand conteur sachant manier la plume pour captiver le lecteur.

« Le soir au casino, dans les boites, les restaurants on ne voit que les riches, les parvenus, la bourgeoisie désespérée, les playboys, les pinups et les professionnels. L’après-midi au champ de courses, tout le monde est a nouveau là, cette fois avec les locaux, et presque toute la population de Trouville, (…) le champ de courses c’est la démocratie, la vraie. Les riches et les pauvres jouant cote a cote », écrit-il.

Cette exposition où s’entremêlent le sang et les  drames, mais aussi l’ironie face à la tragédie de l’Histoire, montre à quel point Capa, par son itinéraire personnel et son engagement, continue de fasciner. La force de ses images rappelle qu’il est à l’origine du photojournalisme moderne et qu’il reste  « le plus grand photographe de guerre du monde » comme l’a qualifié en 1937 le magazine anglais Picture Post. « Capa parlait le hongrois et cinq langues et, un jour, on lui a demandé dans laquelle de ces langues il pensait et il rêvait. Il a répondu immédiatement : les images », racontait l’actrice Ingrid Bergman qui fut, pendant un temps, sa compagne. On ne peut mieux dire.

Exposition

« Robert Capa, icônes »

Exposition jusqu’au 13 octobre 2024 du mardi au dimanche, de 10 h 30 à 18 h 30.

Les Franciscaines, 145 B, avenue de la République Deauville. Pass expositions : plein tarif : 13 € ; jeune et solidaire : 5 €

 Dernière révision le 21 juin 2024 à 6;15 par la rédaction

Daniel Psenny


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