La toute nouvelle galerie de l’AFP présente « Paris 1944, une semaine en août » qui commémore le 80e anniversaire de la libération de Paris. Y sont exposées des images réalisées par des photographes professionnels qui travaillaient pour l’agence ainsi que celles d’amateurs parisiens descendus dans la rue pour documenter les événements.
Deux approches qui se conjuguent pour «archiver le réel, permettant au spectateur de s’approprier l’histoire » comme le souligne l’historien de la photographie Gilles Mora dans la préface du catalogue de l’exposition.
Dimanche 20 août 1944, 13 place de la Bourse à Paris, 07h00 de matin. Depuis la veille, la résistance a déclenché dans la ville l’insurrection à l’approche des troupes alliées et des combats contre l’occupant ont commencé. Huit hommes pénètrent au 13, place de la Bourse à Paris dans l’immeuble de l’ancienne Agence Havas devenue depuis le début de l’occupation l’Office Français d’Information (OFI) organe de la propagande allemande. Ces hommes, des journalistes et résistants sont accompagnés de deux gardiens de la paix armés envoyés par le Comité Parisien de Libération. Le commando fait irruption dans la salle de rédaction et déclare: « Personne ne bouge, personne ne sort… Désormais, vous travaillerez pour la France, au lieu de travailler pour les Allemands ».
A 11H30, est publiée la première dépêche: « Les premiers journaux libres vont paraître. L’Agence française de presse leur adresse son premier service. » Rapidement, le premier groupe va être rejoint par d’autres rédacteurs et photographes qui vont documenter les événements en cours. Dans les jours qui suivent, de nombreuses photographies vont être réalisées, faisant de la libération de Paris l’un des évènements de la Seconde guerre mondiale les mieux couverts en images. Egalement, alors qu’il était formellement interdit de photographier depuis quatre ans, de simples citoyens vont ressortir leurs appareils, désireux eux aussi de profiter activement de ce grand vent de liberté qui souffle sur la capitale.
Ce sont ces précieux témoignages qui sont exposés jusqu’au 02 novembre dans la nouvelle galerie de l’AFP, dialogue entre les images des professionnels de l’agence, tirées de son fonds d’archives exceptionnel, et des images d’amateurs issues de la collection Fournier-Eymard.
Entretien avec Marielle Eudes,
directrice des projets spéciaux photo de l’AFP
Comment nait l’initiative de faire une galerie AFP ?
Depuis trois ou quatre ans, a été entamée une démarche pour valoriser le fonds photo de l’agence. On s’y est plongé dedans pour vraiment regarder le fond de près et on s’est rendu compte qu’il y avait là des trésors patrimoniaux, bien sûr historiques mais aussi photographiques parce qu’avec le recul du temps, on ne regarde plus du tout les photos de la même façon. Si on n’exposait pas ces photos, elles resteraient à dormir dans les tiroirs et, évidemment, elles se détérioreraient parce que moins on s’en sert, moins on les restaure, moins on les regarde et plus ça s’abîme, même si les conditions de conservation sont bonnes, ça s’abîme forcément avec le temps. On a donc décidé de prendre de la distance sur notre richesse photographique sachant qu’il y a beaucoup de choses qui n’ont plus vocation à sortir aujourd’hui dans la presse. A part un anniversaire pour une commémoration, il y a des tas de photos qui sont photographiquement très fortes mais qu’on ne verrait plus jamais si on ne les exposait pas.
On avait déjà commencé il y a trois ans à participer à des expositions et fait des ventes aux enchères de tirages contemporains mais de collection pour attirer les collectionneurs de plus en plus intéressés par la photographie ou les amateurs. Ces expositions et ces ventes ont eu un grand succès. Pour se renouveler, on s’est dit qu’il fallait faire ça plus souvent qu’une fois par an et pour ça, il n’y a pas mieux que d’avoir une galerie qui devait être au sein même de l’AFP pour que cela est du sens. L’objectif c’est de montrer la richesse du fonds et de faire ressortir les grandes signatures photographique de l’agence qui sont connues des professionnels mais pas assez du grand public.
Pourquoi avoir choisi le thème de la libération de Paris en août 44 et ne pas l’avoir commencé à la date anniversaire ?
L’idée est née il y a deux ans à peu près après une grande exposition à la galerie Ellia à Paris consacrée aux trésors argentiques de l’agence. Parmi ces photos, il y avait des photos de la Libération. Et là, on a fait la rencontre d’un personnage particulier qui est arrivé avec ses petits classeurs d’écolier, qui a regardé pendant des heures les photos de la Libération en regardant ses documents et scrutant les moindres détails. Et puis au bout d’un moment, on s’est approché de lui et il nous dit : « Non mais là, ça ne va pas du tout. Cette photo là ne peut pas avoir été prise le 24 août comme vous l’indiquez, il pleuvait ce jour là, il y a eu très peu de photos et je les connais toutes. »
Effectivement, en regardant de plus près, on voyait bien que ce n’était pas une photo d’un jour où il pleuvait. On s’est rendu compte en discutant avec ce monsieur qu’il connaissait le sujet absolument parfaitement. C’est vraiment un grand expert de la Libération de Paris et de la deuxième DB. Il est ensuite venu visiter nos archives et a corrigé ou précisé nombre de légendes de l’époque dans toutes les photos qu’on avait sur la Libération. Chez lui, il a une collection extraordinaire de photos amateurs et professionnelles sur le sujet. Alors on s’est dit qu’avec la richesse de notre fonds, sa connaissance et ses photos d’amateurs, il y avait de quoi faire une belle exposition. On a commencé à travailler là dessus, puis est arrivée la possibilité d’ouvrir la galerie ce qui coïncidait aussi avec les 80e anniversaire de l’AFP. Donc faire une expo sur la Libération nous est apparue comme une bonne idée mais c’était trop compliqué de faire ça en août à cause de la concurrence des JO, d’où le décalage à septembre.
Il y a à la fois des images des archives de l’AFP et des photos d’amateurs. Ce sera une exception ou une expérience à renouveler ?
L’idée force, c’est vraiment de s’appuyer sur le fonds de l’AFP à chaque fois, mais on n’est pas du tout fermé à l’idée à partir du moment où c’est un commissariat AFP. Il peut y avoir des expositions avec uniquement le fond de la maison, comme il peut y avoir aussi des dialogues entre deux visions et sources différentes. Donc on reste ouvert à ce genre de formule qui peut tout à fait se renouveler.
Dans ces images, qu’est-ce qui distingue l’approche d’un professionnel de celle d’un amateur ?
On voit bien la différence dans l’intention. Celle du photographe professionnel c’est vraiment d’informer. Il travaille pour donner une information et donc il y a un cadre, une lumière qui raconte quelque chose. L’amateur c’est d’abord son émotion. Depuis septembre 1940, les photos étaient interdites et on sent que la libération de Paris, c’est aussi une libération photographique. Les Parisiens vont dans la rue et ils ressortent les appareils des tiroirs. Il se dégage de leurs images une émotion très différente des photos professionnelles. Et photographier, c’est aussi participer à l’Histoire, en faire partie et le montrer, ça se voit très bien sur les photos amateurs.
Qui sont les photographes qui rejoignent l’agence à ce moment là ?
Avant l’AFP, c’était l’agence Havas et il n’y a pas de service photo à l’époque, seulement des indépendants qui travaillent pour elle. A la libération, ils rejoignent le mouvement pour assurer la couverture photographique. Elle est organisée par Henri Membré qui est résistant F.F.I. et photographe qui coordonne le travail des reporters et qui va créer le service photo de l’AFP après la Libération.
Vous envisagez combien d’expositions par an? Avez déjà une idée des futures thématiques ?
On envisage trois expositions par an, d’une durée d’un mois et demi à deux mois. Pour les sujets, on a évidemment des idées, mais je ne vais pas les donner parce que je ne sais pas encore exactement dans quel ordre elles vont arriver, ni quand exactement. Mais soyez assuré que l’on sait ce qu’on va faire.
Exposition « AFP Paris 1944, une semaine en août »
Jusqu’au 2 novembre 2024
Galerie AFP, 9, place de la Bourse, 75002 Paris
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