Exposition

Il y a 40 ans disparaissait Gilles Caron

Présentation de la Fondation Gilles Caron © Geneviève Delalot

Lundi 30 août 2010, au Palais des Congrès de Perpignan, la 22ème édition a commencé par évoquer l’agence Gamma… Mais, cette année,  il s’agissait de rendre hommage à l’un – sinon le – plus fameux des photographes de cette agence  : Gilles Caron. Un mythe. Une légende.

 

En 2009 la faillite de la société Eyedea-Presse, dernière dénomination de l’agence Gamma,  avait nourri les discussions. Ensuite, c’est tout le groupe d’agence Eyedea qui s’est effondré entrainant une dizaine d’agences dans le gouffre. Et pas des moindres, je vous parle de l’agence Rapho, de Hoa Qui, d’Explorer, de Jacana, j’en passe, qu’ils m’excusent. Ah oui n’oublions pas le fonds d’archives Keystone.  Tout ça ? Au Tribunal !

Mai 68 par Gilles Caron et sa famille à la tribune © Geneviève Delalot

Mais, en 2010,  ce lundi matin, avec la Fondation Gilles Caron et en présence de la femme du photographe et d’une de ses filles et de son mari, Louis Bachelot, nous avons quitté les salles des pas perdus des tribunaux pour une salle de conférence où l’esprit et le cœur étaient à l’honneur.   Le portrait du photographe brossé par sa fille est simple, émouvant. « Je ne sais pas si à six, sept ans, j’avais conscience du métier qu’il faisait. C’est bien plus tard que j’ai compris que mon père est un grand photographe. »

Marianne, son épouse, raconte ses souvenirs, et nous livre une des clés de l’œuvre de Gilles Caron : la guerre d’Algérie, qu’il a faite comme tous les jeunes français de l’époque, mais dans les parachutistes.

« En Algérie, il passait son temps à lire, entre deux pitons, il avait toujours son sac bourré de livres… »  dit d’une voix douce Marianne Caron « Quand il a commencé le photojournalisme il savait ce qu’il voulait : couvrir la guerre. Et, je le comprends maintenant, retrouver ce qu’il avait connu en Algérie…/…Je suis tout le temps à regarder ses planches contacts, et je commence à voir qu’il s’est photographié partout…/… Il a photographié des soldats qui lisent, des soldats qui écrivent dans les mêmes conditions où il le faisait pendant ces deux ans d’Algérie. Il a été très marqué par cette guerre.»

Et puis, voilà, un jour sur la route numéro 1, au Cambodge… Il a disparu.

Une disparition que tout le monde a eu beaucoup de mal à accepter, car, malgré quelques retours sur les lieux de confrères, on ne sait toujours pas ce qui s’est passé. Rien sur son sort et celui de ses compagnons.

1970, Gilles Caron est une idole pour tous ceux qui s’intéressent au photojournalisme. Le mythe Caron c’est déjà celui du reporter à succès tel qu’il a été mis en scène depuis par le cinéma. Gilles Caron faisait rêver les jeunes photographes, certes moins nombreux qu’aujourd’hui, mais tout de même. Il était notre star, notre Brigitte Bardot à nous qui pataugions dans l’argentique.

Ses photographies sont des plaques. Il a, en cinq ans d’activité professionnelle, fait une quantité incroyable de photos marquantes. Et encore on ne connait pratiquement que ce qui a été sélectionné à l’époque. La Fondation attend avec impatience le retour de plusieurs centaines de films réalisés à l’époque de l’agence Apis. Une agence qui fut ensuite rachetée par Sygma, puis Sygma par Corbis-Sygma, puis… Ah oui, là aussi il y a une faillite. Mais Corbis-Sygma, dépendant majoritairement de Corbis France et Corbis France de Corbis Corporation, on ne voit pas comment Bill Gates ne rendrait pas ces films !

Les agences de photo moins nombreuses

Le stand de Sipa press mardi matinLe stand de Sipa press mardi matin© Michel Puech

Difficile d’éviter de parler « gros sous » à Perpignan à moins d’être ministre. Frédéric Mitterrand, arrivé le matin, selon mes confrères de « L’indépendant », suivait le guide Jean-François Leroy, en évitant soigneusement les poseurs de questions du type association de défense des iconographes et des photographes.

Pour sa part le blogueur de Mediapart (pas invité à la conférence de presse du Ministre), préféra rendre visite aux stands professionnels sis au deuxième étage du Palais des congrès. Moins de stands que l’an passé, qui en comptait moins que l’année précédente… Moins d’agences et beaucoup plus de photographes accrédités !!!  Cela va finir par poser un vrai problème.

Lundi donc, seule l’Association nationale des iconographes, l’Agence France Presse, Sipa Press et Polaris Images étaient sur leurs stands. Abaca Press, l’agence Vu et d’autres n’étaient pas arrivés. Mardi matin Corbis et Getty images occupaient leurs deux stands traditionnels, situé côte à côte de par l’allée centrale. Chacun chez soi.

« Que veux-tu » me confie Jean-Pierre Pappis, patron de Polaris Images. « Ces jeunes photographes ont dépensé beaucoup d’argent pour venir ici, montrer leurs photos et avoir un avis… On essaye de faire face, mais c’est beaucoup de travail que de recevoir toute la journée des photographes. C’est épuisant. »

« Il parait que votre ministre a promis des choses… Yan Morvan m’a interviewé pour Canon pour savoir qui je voyais comme homme providentiel pour le photojournalisme…  Je lui ai répondu que je ne voyais que Dieu ! »

De fait, les agences rechignent de plus en plus à faire venir des pictures editors… D’ailleurs, il y en a de moins en moins. « Les iconographes et les éditeurs sont les yeux de la presse » me dit joliment Aline Manoukian, Présidente de l’Association nationale des iconographes (ANI)…. La presse deviendrait elle aveugle ?

 

Lundi soir : première projection au Campo Santo

Contrairement à l’an passé où la première projection était un peu molle dans sa programmation, celle de ce lundi – Ministre oblige ? – a été très forte. Un sujet sur Shanghai du collectif Sanya et du photographe Yann Layma nous a époustouflé. C’est donc ça la Chine d’aujourd’hui. Magnifiques photographies d’architecture sur l’exposition universelle.

Etonnement également dans un autre style avec la Mongolie de Paula Bronstein de Getty images. Cela fait plusieurs années que je me demande comment cette photojournaliste peut en toutes circonstances obtenir de si belles images, aussi bien léchées que ce soit en Afghanistan ou en Mongolie.  Il faut qu’elle m’explique et je vous raconterai.

Journalistiquement, c’est la pauvreté chez les blancs d’Afrique (ndlr : on peut parler des blancs ? Je me demande si c’est politiquement correct ?) qui a retenu mon attention. Une belle enquête de Finbarr O’Reilly de l’agence Reuters.

Deux finales de projection tout en émotion : un coup de chapeau à Willy Ronis de l’agence Rapho avec une projection concentrée sur le monde ouvrier d’avant guerre. Et une série de photographies et de témoignages pour les 40 ans de la disparition de Gilles Caron.

Seule manquait l’agence Gamma.

 

Michel Puech
31 août 2010

Cet article Visa : Il y a 40 ans disparaissait Gilles Caron a été publié le 01 Septembre 2010 Par Michel Puech dans le Club Mediaparts no

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