Chaque soir, à l’entracte des projections des Rencontres d’Arles, une trentaine de portraits, les Instantanés du Festival, est projetée dans le théâtre antique : « L’œil de La lettre de la photographie ». Le résultat de la chasse quotidienne de Yan Morvan.
Une Harley Davidson freine en sa typique musique. Nous sommes à Arles, sur un quai du Rhône, à côté de la rue Elie Giraud où se trouve la galerie My tailor is rich qui sert de bureau à la rédaction de La lettre de la photographie, à trois tours de roue, à 15 pas du centre névralgique des « Rencontres ». (ndlr 2015: La lettre de la photographie est devenu Le journal de la photographie puis L’oeil de la photographie. Il est dirigé par Jean-Jacques Naudet).
« Je suis crevé ! » jette comme un coup de poing, Yan Morvan, la « tronche » casquée de noir.
« Quelle folie ! » éructe-il. « A neuf heures, j’ai le briefing du jour, à dix heures François Hébel visionne ma sélection. Tu piges ? Face à Hébel, t’as pas intérêt à être mauvais. Ensuite je cavale les réunions, les visites, les conf’, les cocktails… Je rentre et j’ai cinq heures de boulot d’éditing, de légendes… Je me couche à trois heures du mat’ et ça repart. Un truc de fou, je te dis. »
Morvan n’attend pas la réplique, il repousse la poignée dans le coin et poursuit son chemin…
Depuis « Le mur Vendôme-Berlin » en juin 2010, Yan, que je n’avais pas revu depuis les années 70, n’a plus jamais été loin de mes pensées… Normal, nous faisons, tous deux, partie de la joyeuse équipe de La Lettre de la photographie, un quotidien mondial passionné de toutes les photographies.
Habituellement, à Paris, lors des vernissages, Yan Morvan est « L’œil de La lettre ». De cocktail en exposition, il réalise le trombinoscope – (ndlr : Aie, il va me frapper) – des gens de la photographie. Je dis trombinoscope, car ses portraits particuliers sont une œuvre photographique mais également iconographique et documentaire. Cette élégante femme c’est Madame… Et ce monsieur chauve… c’est un éditeur, un photographe, un amateur. Bref, il y a un côté service public pour les amoureux des photographes et de leur travail.
Un panorama du monde de la photographie.
Particulier, disais-je, à propos de ses portraits. Assurément. Yan Morvan ne fait rien comme tout le monde, en toutes sortes de choses, donc voilà des portraits où il fait le point sur un détail, la bague de la dame, quand tout le reste du cadre bascule très vite dans le flou.
Monsieur a son chapeau net comme ses lunettes, mais son épouse est dans l’ombre. Ou inversement. Facétieux, Yan fait le point où il veut. C’est parfois, une ironique ou moqueuse façon de le faire.
Bikers rue des arènes
Si Yan se déplace en Harley, ce n’est pas un hasard… Yan fait avec les instants, mais par-dessus tout, il aime les signes, les rencontres, les fidélités. En 1978, Jean-Jacques Naudet alors rédacteur en chef du mensuel PHOTO publie un portfolio de ses bikers, de ses blousons noirs, de ses Hell’s Angels, de ses voyous buveurs de bières. Cette année 2011, le même rédacteur en chef lui demande de « couvrir » Arles…
Alors, il y a quelque temps, Yan Morvan rencontre Marc Bervillé de la jeune galerie parisienne Iconoclastes. Ils ont mutuellement envie de faire quelque chose ensemble. « Les Clergue » suggèrent à Marc Bervillé de louer un espace sympathique et remarquablement situé en haut de la rue des arènes … « Passer l’été à Arles avec des photos de Yan au mur, m’a semblé d’emblée une bonne idée. » confie en souriant le galeriste.
Résultat : Bikers, l’exposition de 25 tirages vintage du reportage publié dans PHOTO et Paris Match. Des images comme « on en voit peu à Arles en ce moment », des photographies de reportage.
« Avec ces gars là, t’es embbeded ou tu ne fais rien. » explique Yan Morvan qui poursuit depuis plus de trente ans sa fréquentation des banlieues, des zones….
Les éditions Marval ont publié un livre, GANG, hélas interdit à la vente pendant deux ans en raison d’un procès a propos d’une légende. Le personnage photographié ne voulait pas être qualifié de néonazi. Cela fait de l’ouvrage un collector, dont quelques exemplaires sont en vente à l’exposition.
Yan Morvan ne fait pas que « L’œil de La lettre ». Il travaille aussi sur un ambitieux et énorme travail qui le mène, comme jadis, sur les champs de batailles. Les terres d’empoignades de tous les temps : de la bataille de Leuctre (-IVè av JC) à celles du Pacifique pendant la seconde guerre mondiale… Je vous en reparlerai, en attendant ses guerres, regardez ses Instantanés du Festival, c’est un régal pour l’œil.
Michel PuechDernière révision le 3 mars 2024 à 7:18 pm GMT+0100 par Michel Puech
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