Vendredi 19 février 2016, la Cour d’appel du Tribunal a confirmé que les 770 scans de photographies de Marie-Laure de Decker ne lui appartenaient pas, et a donné raison à François Lochon, propriétaire de l’agence de presse Gamma Rapho qui en revendiquait la propriété.
C’est une affaire qui fait beaucoup jaser dans le milieu photojournalistique français. Elle commence le 5 juin 2012, quand Marie-Laure de Decker, ancienne photographe de l’agence Gamma, charge Maître Lévy d’assigner l’agence Gamma-Rapho en référé pour – entre autres griefs – récupérer 770 scans dont François Lochon a hérité en rachetant les actifs du Groupe Eyedea en faillite. Le fonds photographique de l’agence Gamma se trouvant géré par ce groupe depuis son rachat au Groupe Lagardère.
Le référé est rejeté par le tribunal, non sur le fond, mais sur la forme : la justice ne voit pas où se trouve l’urgence justifiant un référé. Malgré cet avertissement, la photographe fera appel, et le perdra.
Résultat : 10 000€ à payer à Gamma-Rapho, c’est-à-dire à François Lochon. La pilule est amère et une pétition, lancée par Francis Apestéguy, n’y changera rien.
Marie-Laure de Decker ayant eu la mauvaise idée de chatouiller François Lochon, son ex-confrère, en juin 2012, celui-ci n’a pas tardé à répliquer en l’attaquant dès octobre 2012 pour avoir publié sur son site Internet et sur Facebook des scans lui appartenant.
Les photographies ont bien été faites par Marie-Laure de Decker, mais les scans publiés ne peuvent venir que des actifs du Groupe Eyedea acquis par Gamma-Rapho.
Résultat, la photographe est condamnée à payer à Gamma-Rapho, 1000€.
C’est ce jugement que la Cours d’appel a confirmé. En dépit de la mesure de la condamnation – 1000 € où François Lochon demandait 60 000 € – Marie-Laure de Decker et son conseil Maître Levy sont allés en appel, et une fois de plus ont été condamnés ! Il reste la Cour de cassation et la Cour européenne….
Pour qui connait un peu les us et coutumes des agences de presse photographiques françaises, cette série de procès semble ridicule.
Depuis la nuit des temps les professionnels savent que les supports (films, tirages, planches-contact, duplicata) réalisés au frais d’une agence, lui appartiennent ! Pourquoi en serait-il autrement des scans ?
Depuis le début de ce triste feuilleton, nous avons écrit qu’en droit, la requête de Marie-Laure de Decker ne pouvait aboutir, provoquant la colère de quelques lecteurs. En fait, ce qui est en question c’est la gestion artisanale des agences de presse photo au XXème et jusqu’au début de ce siècle.
Jadis, tout se traitait sur une poignée de main, les contrats étaient rares et leurs périmètres aléatoires. L’égal partage des frais et des ventes ne précisait pas clairement à quoi correspondait la part financière des agences… Un meilleur angle d’attaque ? Pas sûr, mais celui choisi par Marie-Laure de Decker n’est visiblement pas le bon.
Les « eStocks » d’aujourd’hui (Getty, Shutterstock, Fotolia-Adobe) ne s’embarrassent plus des vieilles pratiques professionnelles. Ils font signer des contrats verrouillés par des batteries d’avocats, font payer les scans aux photographes, réduisent le pourcentage reversé aux photographes sur les ventes d’images. Et peut-être un jour feront payer aux photographes le droit de signer leurs photos de leur marque !
Michel Puech
Lire les différents épisodes de l’affaire
Dernière révision le 26 mars 2024 à 4:54 pm GMT+0100 par Michel Puech
- Pierre Christin
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