Patrimoine

Les Batwa, peuple de la forêt
« Fiers pendant une seconde »

Patrick Munyambabazi avec sa femme Janet Kamashamba et leurs 5 enfants. Ils pensent que la situation future va s’aggraver à moins d’un miracle. Ils disent avoir vécu une vie pauvre depuis qu’ils ont quitté la forêt jusqu’à maintenant. Patrick dit qu’il est heureux qu’ils aient été sortis de la forêt, mais il n’est pas heureux de la vie de mendicité. « Nous mendions tout, de la nourriture, des vêtements, de l’argent et même parfois un abri. Nous n’avons rien de bon comme les autres membres de la communauté. Nous avons vécu une vie de mendicité et nos enfants se dirigent vers la même vie. » Janet dit qu’elle se sent misérable pour l’avenir de ses enfants car il n’y a aucune perspective autre que de devenir des mendiants comme eux-mêmes. Elle a aussi peur de mourir trop tôt à cause des maladies accrues sans médicament et de la famine. Photo : Jan Janssen

Le tourisme est une source de revenu très importante pour l’Ouganda et accueille de nombreux visiteurs, dont la plupart d’entre eux se sont rendus dans les parcs nationaux pour voir des éléphants, des lions, des girafes, des rhinocéros et d’autres gros gibiers.

Le pays héberge plus de la moitié de la population mondiale des gorilles des montagnes dans les 320 km2 de forêt tropicale dense de la forêt de Bwindi sur une zone qu’il partage avec ses voisins la République démocratique du Congo et le Rwanda.

Depuis toujours, ce territoire était le lieu de vie des pygmées Batwa qui se nomment eux-mêmes « peuples de la forêt », leur culture, leurs traditions, leur histoire, leur mode de vie, leur alimentation étant en étroite relation avec elle. Mais à l’aube des années 1990, pour privilégier le tourisme et sa manne financière, l’Etat les a expulsés de leurs terres ancestrales au prétexte de protéger les gorilles en les accusant de les chasser pour se nourrir alors que cette pratique est tabou chez eux. Effet pervers de la protection de la nature et de la priorité financière, la protection des animaux s’est accompagnée d’une calamité pour l’un des peuples les plus anciens d’Afrique qui en a payé le prix fort. Pauvres parmi les pauvres, coupés de la manne sylvestre qui structurait leurs vies, abandonnés par les autorités, les Batwa n’avaient ni les moyens ni les compétences nécessaires pour s’adapter à la vie moderne. Malgré quelques timides tentatives d’intégration, il leur est encore aujourd’hui interdit de retourner dans ce qui fut pendant des millénaires leur domaine de vie et ils restent un groupe marginal et fragilisé.

Choqué par cette situation, le photographe Jan Jansen a voulu leur rendre un peu de leur dignité en leur demandant de poser devant leurs habitations et de se sentir « fiers pendant une seconde ».

Le site du photographe Jan Janssen

 Dernière révision le 22 mars 2024 à 5;35 par la rédaction

Gilles Courtinat