Editorial

Mémoires franco-algériennes

Photographe à Alger 1972 © Michel Puech

A l'oeil est gratuit dans le Club Mediapart, ça ne vous empêche pas de vous abonnez au journal !Mardi 31 janvier 2012, Mediapart organisait, à 20 heures, au Théâtre National de Chaillot, un débat sur 50 ans de mémoires françaises d’Algérie et de mémoires algériennes de France. Quel programme !

© Michel Puech

Le journal avait réuni quatre personnalités représentatives de différents travaux sur la mémoire concernant la guerre qui a conduit l’Algérie à l’indépendance le 5 juillet 1962. Je ne vais pas vous faire un compte-rendu de ce débat, car j’étais là pour faire quelques photographies que je vous offre, et faire connaissance avec  Fatima Besnaci-Lancou, écrivain,  qui a dirigé le numéro de la revue Les Temps Modernes « Les harkis / 1962 – 2012 / Les mythes et les faits ».  Je vais de nouveau l’écouter samedi 4 février 2012 au colloque organisé par la LICRA à la Maison du Barreau sous le titre « La tragédie des harkis : crime contre l’humanité ? ».

 

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Mes lecteurs habituels vont sûrement se demander quel est le rapport avec le photojournalisme, sujet principal de ce blog. Il est simple : mon père a fait un reportage sur le « camp  forestier » de La Londe-les-Maures (Var) et il est question d’exposer ses photographies. Donc, je me renseigne sur « la question harkis ».
Je ne suis ni fils de harkis, ni magrébin, ni même fils d’appelé en Algérie, et pourtant ce débat m’a profondément touché. Mis a part le témoignage de Fatima Besnaci-Lancou, ceux de Mehdi Lallaoui, écrivain et réalisateur, président de l’Association « Au nom de la mémoire » et de Benjamin Stora, historien bien connu et ami de Mediapart, auteur de nombreux ouvrages sur l’Algérie dont, notamment, « La guerre de l’ombre : RG contre FLN » aux Editions Jacob Duvernet », m’ont appris beaucoup de choses sur ces sujets que je connais mal.
La salle, par contre, bien remplie, semblait au fait des moindres détails de cette guerre horrible qui a fait 30 000 morts côté français et 400 000 côté algérien, sur une population de 9 millions d’habitants !  Sans parler des dégâts psychologiques subis par les populations magrébines et le traumatisme dont furent victimes les « pieds-noirs », je veux parler de la masse des « petits blancs » et pas des dizaines de riches colons qui avaient fui et mis à l’abri leur pognon, bien avant  « les évènements » .
Le débat fut digne, même si quelques matamores ont dérapé, tel Maître Rappoport « On peut toujours dire non ! ». Cela me rappelle d’autres propos « Moi je ne parlerai pas sous la torture ! » ou « Moi, j’aurais été résistant »….  On s’étonna aussi dans une colère contenue «Vous ne dites rien sur les atrocités des harkis ». « Si j’ai des regrets, ce sont pour tous les morts de tous les camps » devait répondre Famima Besnaci-Lancou.
Mais le témoignage qui m’a le plus touché est celui de Florence Dosse, auteur de « Les héritiers du silence – Enfants d’appelés en Algérie » Editions Stock.  Certains lui ont contesté ce titre « d’enfants d’appelés »… Comme si le fait d’avoir un père à la guerre ne fut pas un évènement marquant dans la vie d’un enfant.
Le témoignage de Florence Dosse est important car il élargit le débat.
Jusqu’ici, et depuis cinquante ans, la guerre d’indépendance algérienne est l’objet de querelles – voire de combats – entre les différentes communautés impliquées de près : « pieds-noirs » et/ou tenants de l’Algérie française, voire de l’OAS, militants FLN et combattants des harkis… Les protagonistes meurent les uns après les autres, mais les querelles continuent trop souvent avec leurs enfants.
Florence Dosse, en parlant des « enfants d’appelés » fait entrer dans le jeu les « français de France », elle nous fait pénétrer dans les cuisines, les salles à manger, les chambres de ces soldats du contingent appelés à « servir sous le drapeau » pendant de longs mois et en revenant très souvent, muets, accablés par les horreurs commises par eux-mêmes ou par leurs copains.
Tout à coup la guerre d’Algérie n’est plus l’affaire des combattants et des victimes, mais celle de tous ! Celle des français et des algériens des deux rives de la Méditerranée.
La mienne aussi, moi qui ne suis fils d’aucun impliqué particulier, juste un baby boomer c’est-à-dire, déjà un enfant marqué par les deux guerres mondiales (grand-père en 14-18, parents adolescents en 39-45), mais aussi un enfant de la guerre d’Indochine et de celle d’Algérie !
En ce sens, le débat de Mediapart, hier soir au Théâtre de Chaillot, était comme un premier jalon dans cette année de cinquantenaire pour que le nombre des concernés par cette guerre ne se limite pas à ceux qui y furent directement impliqués mais s’ouvre à tous.
Mais j’arrête là ce premier billet sur le sujet algérien car je vais avoir l’occasion d’y revenir très rapidement pour vous parler d’un livre, d’un témoignage qui me bouleverse – comme il a bouleversé Edwy Plenel – à savoir la publication de la correspondance de Caron Gilles, parachutiste appelé en Algérie. («J’ai voulu voir, lettres d’Algérie » Editions Calmann Lévy 2012).
Caron… Vous savez Gilles Caron, le mythique photographe de l’agence Gamma ! Sans attendre mon billet, courez l’acheter !
Michel PuechDernière révision le 3 mars 2024 à 7;24 par Michel Puech