Editorial

Le Printemps Arabe à Marseille

(c) Hamideddine Bouali

Michel Puech publie dans La lettre de la photographie, lettre quotidienne en français et en anglais.

 

Publié in La lettre de la photographie du 22 mars 2012

 

Jusqu’au 28 juin 2012 à l’Hôtel de Région de Marseille, vous pouvez aller voir 194 photographies, résultat du travail de plus de trente photographes d’une douzaine de pays riverains de la Méditerranée.

L’exposition présentée par la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur retrace les évènements qui se sont déroulés depuis le 17 décembre 2010, à Sidi Bouzid en Tunisie, où l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, jeune diplômé chômeur, amorce la révolution tunisienne jusqu’à l’offensive meurtrière de l’armée régulière à Homs, et l’assassinat de Marie Colvin du Sunday Times et de Rémi Ochlik de l’agence IP3 Press.

Les évènements d’Egypte, du Maroc, de Libye, du Yémen, de Barheïn, de Jordanie et naturellement de Syrie sont non seulement photographiés par d’excellents photojournalistes, mais sont également expliqués par des textes de Jean-Pierre Perrin, grand reporter à Libération
.
J’arrive à Marseille en provenance de La Londe-les-Maures dans le Var, où je viens de passer quatre jours chaleureux avec des petits-enfants de harkis, des fils de harkis, des harkis, des pieds-noirs, d’anciens militaires et des mamans des deux rives de la Méditerranée.

La France est en campagne électorale, mais les français battent la campagne des mémoires algériennes. L’Algérie aura 50 ans en juillet, alors qu’on célèbre déjà le premier anniversaire du déclenchement des révolutions arabes !

Des indépendances aux révolutions

Autant dire que le commissaire d’exposition, Alain Mingam, s’est arraché non seulement les yeux pour sélectionner 194 images sur une production de dizaines de milliers d’images, mais qu’il lui a fallu, dans la cité phocéenne, déployer beaucoup de diplomatie et une sérieuse connaissance des circuits de l’information, pour bâtir cette scénographie dans un espace grand, prestigieux, mais pas évident à « meubler ».

L’exposition est une sélection de reportages photographiques et de films documentaires qui offrent une lecture chronologique et détaillée des événements, qui, de la place Tahrir au Caire, sur l’avenue Bourguiba à Tunis ou dans les faubourgs de Homs en Syrie, au Bahreïn ou à Sanaa au Yémen, ont rythmé ces quêtes de libertés fondamentales.

A Marseille, la présence de Nathalie Donnadieu compagne de Lucas Dolega (premier photographe mort en Tunisie) et celle d’Emilie Blachère, compagne de Rémi Ochlik (mort à Homs), m’a replongé dans les massacres, dans le drame syrien et ses horreurs inhumaines. Vu de cette fin d’hiver là, le « Printemps arabe » pouvait apparaître comme glacial.

Mais parmi les invités triés sur le volet de « la crise », Hamideddine Bouali, photographe et enseignant la photographie à Tunis, apporta la chaleur d’Outre-Méditerranée. « Voilà une exposition à ma hauteur. » commenta le malicieux petit homme mais grand photographe, une casquette rivée sur la tête avec autant d’assurance que son Nikon D7000 dans la main, sans cesse en alerte. Et d’enchaîner à des journalistes allemands en stage dans sa ville en révolution qui l’interrogeait sur la jeunesse tunisienne. « Vous avez déjà vu des révolutions faites par des vieux ? »
Des jeunes gens, il y en a par centaines, par milliers sur les photographies exposées. Des femmes aussi. Beaucoup de femmes. De l’allée des héros inconnus, portraits en grand format, à la revue pays par pays des différents évènements marquants, le visiteur se replonge dans une année d’espoirs toujours brûlants.
Derrière le cri « Dégage », c’est un système que dénonce et répudie les manifestants.

Et c’est ce que montre magnifiquement cette exposition où l’actualité vous cueille dès l’entrée avec ces deux écrans diffusant France 24 en français et en arabe. L’exposition se parcourt comme un livre et de nouvelles pages s’ouvrent pour le monde arabe.
A défaut de vous y rendre, allez surfer sur le site officiel de l’exposition, vous ne serez pas déçu.

Michel Puech

Informations pratiques
Entrée libre du lundi au samedi de 9h à 19 h
Fermeture exceptionnelle les 11, 12 et 13 avril 2012
Renseignements 04 91 57 52 11

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Dernière révision le 3 mars 2024 à 7;21 par Michel Puech