Gilles Courtinat, suit de très près les fulgurants développements de l’intelligence artificielle en matière de photographie et de journalisme. Il sera présent le 11 mai 2023 à la journée spéciale de conférence organisé par le CEPIC et nous en rendra compte.
« Le beau n’a qu’un type ; le laid en a mille » (Victor Hugo)
Des comptes Tik Tok font parler les morts (et quelques vivants). Vidéos générées par l’intelligence artificielle et rendu pas toujours très ressemblant, mais on peut voir et entendre Paul Walker, Amy Winehouse, Louis XIV ou Frida Kahlo raconter leur vie. Ça se veut instructif voire culturel mais c’est un peu dérangeant quand il s’agit de tueurs en série comme Ted Bundy ou Edmund Kemper. Et on touche le fond lorsqu’il s’agit du petit Gregory ou d’Estelle Mouzin. Mais ça marche fort, des millions de vues, des centaines de milliers de like et on peut même réclamer d’autres vidéos du même tonneau.
Cuba libre ?
« Toute personne disposant d’une inscription au réseau Discord peut désormais illustrer un reportage photoréaliste sans matériel photographique sur n’importe quel sujet, n’importe où et n’importe quand, en contribuant à une histoire collective de la photographie pour illustrer le monde et créer une vision de ce qui a été, est ou peut être ». 90 Miles est une expérience de reportage d’illustration basée sur l’intelligence artificielle, qualifiée de « post-photographique » et réalisée par Michael Christopher Brown en collaboration avec l’opérateur de crypto-monnaie Blockbird. Le photographe a produit une série d’images qui explore les événements historiques et la vie à Cuba qui, depuis 1961, ont motivé des Cubains à traverser les 90 miles d’océan qui séparent La Havane de la Floride.
« Il va sans dire que la société doit préserver l’intégrité de la photographie. Nous devons créer des barrières autour de certaines productions générées par l’intelligence artificielle, comme l’image photoréaliste potentiellement dangereuse de Trump qui est devenue virale, tout en expérimentant la technologie afin de l’utiliser à notre avantage. Je partage l’avis de Fred Ritchin, directeur-fondateur du programme de photographie documentaire et de photojournalisme à l’International Center of Photography, lorsqu’il déclare que « l’intelligence artificielle peut ajouter des éléments à l’équation de l’image qui peuvent être très utiles ; et c’est là qu’il faut chercher ». »
Selfie IA
ai-self-portraits est un projet créatif du directeur artistique et artiste Michael Hess pour donner un visage de l’intelligence artificielle et explorer le degré de conscience qu’elle a d’elle-même. Utilisant la technologie text-to-image, l’auteur a demandé à l’intelligence artificielle de se représenter elle-même et le résultat est une collection de cent autoportraits entièrement générés par la machine.
Ils se mouillent
Apparue dans les couloirs du métro parisien, une publicité pour la marque de maillots de bain Undiz mixe prises de vue classiques et intelligence artificielle. Selon la directrice générale de l’enseigne: « le sujet de l’intelligence artificielle a très vite attisé notre curiosité. Nos équipes (des gens qui ont en moyenne vingt-huit ans) utilisent ChatGPT au quotidien, tout comme nos clientes de la Gen-Z. Notre métier, c’est aussi d’explorer de nouveaux outils : nous souhaitions réaliser un shooting sous l’eau pour éviter la traditionnelle photo du mannequin en maillot sur le bord de la piscine ou sur le sable. Or, les prises de vue classiques sous l’eau sont complexes pour bien montrer le produit. Nous avons donc eu l’idée de générer des visuels avec l’intelligence artificielle. Un défi excitant. »
Un tigre dans l’ordinateur
Dans un article de SkyNews, Tim Flach, grand photographe animalier, raconte qu’après avoir généré grâce à l’intelligence artificielle une image de tigre très proche de l’une de ses photos, il s’inquiète des conséquences que la technologie peut avoir sur son métier : « Dans le cas de mon tigre, j’ai du y consacrer beaucoup de mon énergie, je devais être aux côtés du tigre. La machine n’a pas eu besoin de le faire. Pour nous, en matière de moyens de subsistance, y aura-t-il des cadres juridiques qui nous permettront d’investir de manière créative à l’avenir ? »
Une animatrice virtuelle
Kuwait News, média koweïtien, a présenté récemment une animatrice de télévision virtuelle, générée par de l’intelligence artificielle, avec l’ambition de lui confier la présentation d’un journal d’actualité. Elle s’appelle Fedha et elle est blonde.
https://twitter.com/KuwaitNews/status/1644792772212260867
Amnesty International
Plusieurs publications récentes postée sur Twitter par la branche norvégienne d’Amnesty International à propos des violences policières en Colombie, ont été illustrées par des images générées par une intelligence artificielle. Si les faits sont bien réels, l’utilisation de ces visuels inventés a entrainé de nombreuses réactions jugeant l’initiative malvenue et remettant en cause la crédibilité de l’organisation non gouvernementale. Le photographe Niels Ackermann a déclaré : «Plus les institutions comme la vôtre utilisent des photographies synthétiques pour illustrer des situations réelles, moins les gens croiront en votre message et aux images qui les documentent. Agissez en citoyens : si vous dites la vérité, montrez la vérité. » L’organisation s’est défendue en expliquant que son choix était destiné à éviter de mettre en danger les personnes présentes lors des manifestations, que l’utilisation de l’intelligence artificielle était clairement mentionnée et qu’avaient été volontairement laissés des imperfections de rendu comme une autre manière de faire la distinction avec des photographies authentiques.
Croix-Rouge
Bonne idée de l’agence Ogilvy Paris pour une campagne de la Croix-Rouge non générée par une intelligence artificielle avec de vraies photographies réalisées par de vrais photographes, en Ukraine, en Turquie, en mer Méditerranée et en France. Selon Laurent Amiand, directeur de la communication et des affaires publiques de la Croix-Rouge française : « nous devons faire face aujourd’hui à une multiplication des crises de toutes sortes, qui impactent la société toute entière. À ces tensions qui semblent ne jamais s’arrêter, s’ajoutent des batailles de plus en plus fréquentes pour combattre des fake news qui semblent parfois, avec l’avènement de l’intelligence artificielle, presque crédibles. Cette campagne qui interagit avec l’actualité, nous permet de rappeler que nos équipes sur le terrain sont en prise directe avec la réalité et elle invite le plus grand nombre à regarder et s’informer des vraies situations qui frappent les plus vulnérables. »
Andy Warhol
Une affaire juridique à suivre et qui doit être bientôt traitée à la cour suprême américaine, pourrait avoir de sérieuses répercussions sur le droit d’auteur aux USA et par ricochet avoir un impact sur l’intelligence artificielle générative d’images. En 1981, Lynn Goldsmith fait un portrait du musicien Prince. En 1984, Andy Warhol utilise cette image pour créer une série de sérigraphies. Les ennuis commencent après sa mort en 1987 quand la photographe décide d’attaquer la fondation qui gère les droits de l’artiste. Après plusieurs jugements contradictoires, l’affaire est arrivée devant la plus haute juridiction américaine qui doit décider si l’oeuvre de Warhol est une transformation suffisamment significative de la photographie ressortissant du fair use (usage loyal) et donc protégée, ou bien s’il s’agit d’une violation du droit d’auteur.
https://www.wired.com/…/andy-warhol-fair-use-prince…/
Et pour finir, même les Beatles
Les Beatles se sont reformés pour un nouveau concert sur le toit des studios Apple à Londres en mémoire de leur fameuse prestation du 30 janvier 1969. Ah non, on nous signale qu’il s’agit d’une image générée par intelligence artificielle et que rien de tout cela n’est arrivé (et n’arrivera sans doute jamais).
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Dernière révision le 23 janvier 2024 à 7;49 par Gilles Courtinat
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