
Chaque année depuis 1989, plusieurs dizaines de professionnels des médias, dont Thierry Birrer, interviennent en milieu scolaire , faisant de cette Semaine la première action éducative en nombre de participants puisque plus de 22 400 établissements y ont pris part cette année. Témoignage.
« Je suis vraiment satisfait de ce genre d’intervention, ça fait sortir les élèves de leur bulle de confort » explique Stéphane, professeur de géographie, en réaction à la remarque d’une de ses élèves en classe de Première Arts Plastiques au lycée Jean-Monnet de Crépy-en-Valois.
Ce 25 mars en matinée, les élèves de ce lycée du sud de l’Oise sont conviés, dans le cadre de la Semaine de la Presse et des Médias dans l’Ecole, à échanger avec un reporter. L’image présentée par le photoreporter n’a pourtant rien de choquant, ni sang ni cadavre, mais les seules explications de ce qui s’était passé, de ce que ne restitue pas la photo, les sensations et les odeurs notamment, ont choqué la jeune fille. « Comme beaucoup dans cette classe, elle est déconnectée de certaines réalités » complète l’enseignant qui applaudit l’intervention.
« Où est l’info ? »

Organisée pour la 36e année par le Centre pour l’éducation aux médias et à l’information (CLEMI), cette semaine permet aux élèves d’apprendre à mieux décrypter l’univers des médias et de comprendre ses enjeux culturels et démocratiques. Cette activité d’éducation civique a pour but d’aider les élèves, de la maternelle aux classes préparatoires, à comprendre le système des médias, former leur jugement critique, développer leur goût pour l’actualité et forger leur identité de citoyen. Le thème de l’édition 2025 qui s’est déroulée du 24 au 29 mars était « Où est l’info ? », une thématique qui sera conservée pour 2026. Journalistes de presse écrite, de télévision et de radio entrent à cette occasion dans les établissements scolaires pour partager leur expérience avec les élèves.
Ainsi à Ajaccio le 24 mars, Ariane Chemin et Raphaëlle Bacqué, toutes deux grands reporters au Monde, sont intervenues auprès de plus de 90 lycéens en classe de terminale du lycée Laëtitia Bonaparte. Le 27 mars au collège François Péron de Cérilly, une soixantaine d’élèves de collège et lycée agricole ont rencontré des journalistes, photoreporters et documentaristes. Dans l’académie de Toulouse, depuis janvier 2025, la radio Ici Occitanie a lancé une chronique « La récré des Pitchouns » en partenariat avec l’académie. Diffusée chaque matin à 07h40 à la radio, la journaliste interroge des élèves de CM2 sur des thèmes d’actualité.
Par exemple : « C’est quoi Airbus ? », « Quel est le rôle d’un Premier ministre ? », « Toulouse est-elle une ville de foot ou de rugby ? » ou « Quel métier voulez-vous faire plus tard ? ». Autre exemple d’action menée cette année, cette fois dans l’académie d’Aix-Marseille : un webinaire a été proposé le mercredi 2 avril, au cours duquel les participants pouvaient s’entretenir avec la chercheuse Mélissa Cornet, spécialiste du droit humain, notamment du droit des femmes et photojournalistes. Mélissa Cornet réside à Kaboul en Afghanistan depuis plusieurs années. Après la prise de pouvoir des talibans en août 2021, le dessin et la photographie lui permettent d’informer sur cette période brutale et mouvementée et de témoigner des marges de liberté que les femmes parviennent encore à se créer en Afghanistan malgré les interdictions. A Rennes, deux chercheurs, dont Cédric Villani, sont intervenus le 25 mars devant 200 lycéens de l’agglomération rennaise avec Ouest-France sur le thème : « L’IA est-elle une menace ou un atout pour l’info ? »
Dans les Hauts-de-France, à Creil, c’est maintenant devenu une habitude depuis 8 ans que je sois invité à parler des terrains que je fréquente. Avec d’autant plus d’intérêt pour les établissements scolaires que je documente la situation de l’école dans les zones de guerre. Les enseignants me disent fréquemment « Certains élèves comprennent mal pourquoi apprendre telle ou telle matière ». Montrer que dans certaines zones géographiques des jeunes de leur âge se battent pour aller à l’école les fait réfléchir sur leur propre ressenti. Depuis trois ans, c’est de l’éducation en Ukraine qu’il est question. Expliquer qu’à Kharkiv en 2025, afin de les protéger des bombes, les élèves de primaire vont à l’école dans des espaces aménagés dans le métro est un échange fort avec les lycéens.
Au lycée Jean Monnet, à l’invitation de la responsable du CDI, Myrtille Boucherit, je suis présent à quatre reprises au cours de la Semaine, le mardi avec une vingtaine d’élèves en Première Arts Plastiques, le jeudi avec 24 élèves d’une Terminale scientifique et le vendredi avec deux classes de Terminale HGGSP (Histoire, Géographie, Géopolitique et Sciences Politiques). Avec ces derniers, mes photos de destruction d’écoles à Irpin, d’un lycée à Apostolove ou de facultés à Izium ou Mykolaïv les fait réagir sur ce qu’est vraiment un conflit. Les deux heures qui me sont consacrées ne sont jamais assez longues. Les lycéens sont très demandeurs. J’entends trop souvent dire que c’était mieux avant, que les jeunes ne s’informent plus, mais c’est totalement faux. Je suis intervenu devant des élèves de 4e au collège de Cuffies dans l’Aisne et leurs questions sont parfois très matures, tel ce « Mais monsieur, quand on voit vos photos, et vous, comment allez-vous sur le plan psychologique ? » ce qui est une question assez étonnante pour un jeune de 13 ans.
Ce cas ne fut cependant pas isolé dans la classe. J’ajoute que ces interventions dans le cadre de la Semaine de la Presse ont des suites, soit avec de manière plus ciblée avec un enseignant, ce qui devrait être le cas pour une des deux classes de Terminale HGGSP au lycée Jean Monnet, avec comme thématique les effets économiques, sociétaux et environnementaux de la destruction du barrage de Nova Khakovka en juin 2023. Ou bien, certains élèves continuent de me suivre en ligne quand je repars en reportage et me posent directement des questions.
Le site du Centre pour l’éducation aux médias et à l’information (CLEMI)
Post scriptum de la rédaction: la première image (cinq adolescents) qui illustre cette article a été générée par nos soins grâce à une intelligence artificielle. Nous avons fait ce choix purement illustratif car il est devenu aujourd’hui compliqué de publier des photographies d’enfants. Outre leur droit à l’image qui doit être respecté, ce genre d’image présente le risque d’un détournement pour une utilisation mal intentionnée ou non souhaitable. Cela peut aussi entraîner des soucis avec les parents qui sont parfois légitimement très sourcilleux sur ce point. De toute façon, pour utiliser une photographie de l’événement, il aurait fallu obtenir les autorisations de toutes familles ce qui se révèle dans les faits quasiment impossible. Pour toutes ces raisons, nous avons donc fait ce choix.
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